Ça aura pris 4 jours pour que nos corps s’habituent au décalage horaire. Deux jours pour Maëva, 4 pour nous. Je me souviens du début de cette phrase prononcée vers les 20 heures par ma belle-sœur le jour de notre arrivée, mais pas de la fin : je m’étais endormie assise sur le canapé.
Le trajet entre l’aéroport et ce qui allait être notre quartier général pour les 4 prochains mois (à ce moment, c’était encore ce qui était prévu : retour au Canada dans 4 mois) s’est plutôt bien déroulé, mais l’excitation attendue n’était pas au rendez-vous. Melbourne laissait paraître ses formes au loin. La périphérie nous semblait fade. Il faisait gris, froid, humide. N’étions-nous pas censés être accueillis par un surfer sexy sous un soleil de plomb, croiser des kangourous et respirer l’air salin des vagues du Pacifique?
Évidemment, ce n’était pas ce à quoi je m’attendais. Mais je me surprenais à ne pas ressentir cette excitation typique à la sortie de l’aéroport, à cette première fois où on foule ce sol étranger, auquel je rêvais depuis des mois, des années. Le moment où on se dit : « Je n’arrive pas à y croire : je suis ICI. »
Pas cette fois-ci.
Cette fois-ci, j’étais fatiguée et je voyais la vie en gris, mais comme il faisait effectivement gris, j’imagine que c’était un peu normal.
On arrive à la maison. Quartier à première vue sympathique duquel je m’étais fait une petite idée déjà en découvrant les fonctionnalités de Google Earth. Maison à première vue sympathique. Belle-sœur, évidemment, sympathique. Bébé heureuse, tout devrait bien aller. Je vais aux toilettes… ce qu’il fait froid, ici! La fatigue, la chute d’adrénaline, que sais-je, ont eu raison de moi : tout d’un coup, la mélancolie s’est emparé de moi. J’allais vraiment passé 4 mois dans cette maison qui n’est pas la mienne, dans ce pays qui n’est pas le mien, dans ce quartier qui ne me doit rien? J’allais devoir me créer une nouvelle vie sociale et temporaire, gérer une partie de la maisonnée, vivre en colocation.
Moi, qui était habituée des voyages à l’arrache de plusieurs mois, parfois en auto-stop, sans toujours savoir où je dormirais le soir venu, à exploiter le système D à grands coups de « on verra rendu là »… Moi, j’allais rester 4 mois au même endroit à des milliers de kilomètres de tout ce qui fait de ma vie quotidienne un charme? Dur constat, ce soir-là. Comme quoi ce n’est pas parce qu’on atterrit sur la carte postale qu’on ressemble instantanément aux gens présentés sur les brochures touristiques.
Bon, ce que mon cerveau omettait de me rappeler à ce moment précis, c’est la quantité d’efforts que nous avions mis dans ce projet-là, les raisons qui nous avaient poussés à aller de l’avant malgré plusieurs difficultés (ennuis de santé, budget), ce que nous allions en réalité chercher de l’autre côté de la planète, et surtout, tout ce que nous allions y accomplir durant les prochains mois.
Ne pas perdre de vue ses objectifs. Surtout pas 2 mètres passé la ligne de départ.
J’aime parler de cet épisode très court. Le coup de foudre pour un endroit n’arrive pas instantanément lorsque que les roues de l’avion touchent le tarmac. Et il est sain, voire normal, d’entretenir des doutes une fois « dans le bain » face au choix que nous avons fait précédemment. La fatigue post-déplacement a parfois un grand pouvoir sur nos émotions…
Puis, j’ai dormi.
Je veux dire : vraiment bien dormi.
Et une nouvelle journée s’est offerte à moi, à nous. Ce premier matin où je me réveillais en Australie. Wow! Je suis en Australie! Je regarde par la fenêtre et j’aperçois la gare du train urbain aux couleurs du MTI (Melbourne Train…). J’ouvre la porte et admire les oiseaux du paradis qui poussent, sauvagement, juste à côté du paillasson. De l’autre côté de la rue : un eucalyptus. À l’intérieur : plusieurs petits détails qui me font réaliser que je ne suis plus chez moi. Le lait 3,4 %, le Vegemite dans l’armoire, les poignées de porte à hauteur d’épaule…
Je suis maintenant en Australie. Je suis enfin en Australie. Ce matin, un nouveau pays s’offre à moi. Je n’ai que quatre mois pour faire la connaissance d’un continent tout entier : c’est si peu! J’ai tout à apprendre, tout à comprendre. Ce que j’en ai des questions à poser, des choses à voir, des aliments à goûter, des réflexions à approfondir!
Maëva mange ses rôties; pour elle, rien n’a changé outre le décor et la présence d’un troisième adulte dans la maisonnée. Elle ne réalise pas l’ampleur du déplacement ni tout ce qui l’attend de découvertes et expériences.
C’est fou l’impact positif qu’une bonne nuit de sommeil peut avoir, non?
Bianca est l’auteure du blog La Grande Déroute
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