Entre moi et mon métier d’accompagnante à la naissance
Je suis revenue chez moi à 5h du matin. D’habitude, je me lève à 6h pour préparer ma journée. Ça me fait une sensation bien drôle, tout étrange de savoir qu’un bébé est né ce matin alors que la vie continue, le rythme n’a pas changé, même si pendant des heures, le temps n’existait plus…
Je suis arrivée à la maison de naissance de Blainville vers 9h le matin. Après avoir jasé avec la sage femme, le travail n’était pas encore bien installé, nous avons donc conclu qu’une bonne marche ferait du bien. Après environ deux heures, le froid qui nous accompagnait dans cette marche vers la vie, et les contractions qui semblaient de plus en plus présentes et constantes nous ont convaincus de revenir à la chambre, ce petit cocon où un beau lit douillet (et double), avec bain, ballon, balançoire sont accessibles en tout temps.
Le travail allait bon train, et les parents aussi. En après-midi, après un touché vaginal, le travail avançait, col dilater à 3 cm. Par contre, bébé semblait encore positionné en postérieur (tête qui regarde vers le plafond). Nous avons donc opté pour des positions à quatre pattes. Avec des oreillers, au sol, puis avec le ballon et hop, sur le lit… La maman semblait avoir de plus en plus de misère à prendre les contractions. Bon signe! Le travail progresse et bébé semble vouloir bien se positionner!
C’est spécial parce que pendant le travail, le temps n’existe pas. Il n’y a que le travail et les contractions qui ont leur cadence et le temps de pause, bien mérité, qui ensemble créent des séquences. Et ces séquences varient, avancent, progressent à leur rythme. Le temps ce faisait donc discret, mais avançait à grands pas.
Après quelques heures de changements de positions, de respirations et d’expirations, de compressions du bassin, de massage au niveau du dos, des hanches. La sage-femme proposa un autre touché vaginal pour voir l’évolution. Le col était maintenant devenu mature et dilater à 6 cm, puis bébé semblait s’être bien positionné. Les contractions ayant pris un débit un peu plus important, la sage femme fit couler un bon bain pour soulager les contractions. Papa a été merveilleux! Il tenait sa femme, la rassurait, la supportait, lui murmurait de petits mots doux à l’oreille, lui flattait les cheveux. Pendant ce temps, je la massais, lui faisait des compressions pour soulager ces maux. Une ambiance de paix et de sérénité se faisait sentir juste même en ouvrant la porte de la chambre.
Dans le bain, il devait être rendu 21h, l’endorphine avait commencé son œuvre. Les respirations changeaient petits à petits, et pendant les pauses la future maman fermait les yeux. Comme si un autre monde l’avait envahi. Déjà son visage changeait. Je ne voyais plus la fille que j’avais vue dans les cours de préparation à la naissance. Je voyais une femme. Une femme qui grandissait à travers chaque contraction. Comme si chacune d’entre elles la rapprochait, à chaque fois, de son futur métier; celui de maman. Une maman qui accueille d’être dérangée, d’être confrontée. Une maman accepte que pour l’instant ça fasse mal, mais ce n’est que passager. Que pour l’instant, ce n’est peut-être pas comme elle le voudrait, mais c’est correct et nécessaire. D’être envahi par cette sensation qui bouscule le corps dans tout son être et qui le donne à son enfant, pour son enfant. Ce don de soi, cette offrande pour aller chercher la force à l’intérieur de soi.
Cette maman à accompagner son enfant dans tout son être. Sa respiration était devenue des sons. Des sons graves et rassurants. Ses jambes bougeaient dans le bain, la marche vers la vie à continuer jusqu’à environ 23h. Puis, à un moment, ses expirations ont changés tranquillement vers des poussées. Trois heures plus tard, un enfant est sorti de sa mère, accompagné de son père par sa présence, son regard et son touché d’amour.
La nuit passée, j’ai vu une magnifique petite merveille ouvrir les yeux pour la première fois! Après 24 heures de travail pour le couple, je peux dire que j’ai vu une maman naître et un papa aussi. Et pour moi, ce fut une grande histoire d’amour avec mon métier d’accompagnante. J’ai vraiment pu vivre pleinement le sens du terme accompagnement.
Une naissance ne devrait jamais être bousculée par un protocole ou une technique ou une intervention. L’intervention devrait être nécessaire seulement si le corps arrive à un point stagnant ou une complication ‘x’, mais c’est tellement rare (en théorie)! Le corps sait comment faire les choses. Nous devrions toujours juste lui donner la confiance de pouvoir le faire. Le reste, il le sait!
Je termine en disant un énorme merci à la famille de m’avoir permis de vivre se moment si unique et intime. Merci à l’équipe de sage-femme des services de Lanaudière Sud qui a vraiment été extraordinaire tant dans leur présence, leur façon d’expliquer, de simplifier, de rassurer. Merci à Violette de nous avoir permis à tous de t’accueillir dans notre monde.
Catherine Leroux
Accompagnante à la naissance et massothérapeute
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