Je n’ai jamais eu de réel objectif sur combien de temps je voulais allaiter. Je n’avais d’ailleurs aucune idée de combien de temps ça durait « normalement », un allaitement. Je me rappelle que lors d’un rendez-vous post-accouchement avec ma sage-femme, celle-ci m’avait demandé combien de temps je voulais allaiter. « Tant qu’elle le voudra » que je lui avais répondu, m’empressant aussitôt de lui demander combien de temps ça pouvait donner.
J’ai fini par lire que le sevrage naturel chez l’humain se produisait entre 2 et 7 ans. Bon, 7 ans m’apparaissait un peu tard, mais 3, 4 ou 5 ans, pourquoi pas?
On a donc poursuivi notre aventure lactée sans problème majeur (2-3 mastites et un peu de muguet, c’est pas la fin du monde) jusqu’à 2 ans. Je me réjouissais déjà de combien c’était plus facile de gérer une crise de bacon avec mes seins qu’avec toute autre théorie de psychologie à 5 cents.
Mais une semaine après son anniversaire de 2 ans, en revenant d’un avant-midi à la garderie, ma fille n’a pas voulu prendre le sein. Soupçonnant une douleur dans sa bouche (il lui restait 2 molaires supérieures à percer), je me suis dit que ça allait passer, qu’elle allait le prendre le soir sans doute.
À la tétée du soir, je lui ai offert mon sein bien engorgé, et elle a simplement répondu « Maman va le tirer! ». Ce que j’ai du faire pour éviter de vivre une autre mastite.
Elle n’a pas bu au sein pendant toute la journée suivante. Je lui ai demandé pourquoi elle ne voulait plus de lait, elle me répondait que mon lait était « frustré ».
Les deux premières journées, je suis restée calme. Après tout, elle n’avait pas « besoin » de mon lait d’un point de vue alimentaire, et elle avait déjà fait une grève de tétée de 48h lors d’un épisode de pieds-mains-bouche. La troisième journée, je suis allée louer un tire-lait électrique double. Je tirais près d’un litre par jour et je n’arrivais pas à espacer les « traites ».
À la fin de la troisième journée, je me suis mise à paniquer. Est-ce que ma fille était vraiment en train de se sevrer? Comme si elle avait lu dans les livres qu’à 2 ans, c’est fini. Une tristesse immense m’a assaillie; j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Mon entourage me disait tout bonnement que 2 ans d’allaitement, c’était en masse, que je devais accepter que mon enfant grandissait et se dissociait de moi, que c’était une étape normale. Mais un sevrage aussi brusque, je trouvais ça trop étrange. Ma fille semblait frustrée de quelque chose. J’ai multiplié les moments à deux, le temps de qualité. Elle me repoussait de plus en plus.
La nuit, elle se réveillait en pleurs, inconsolable. Le matin, c’était la même chose. Elle faisait des crises comme je ne l’avais jamais vue faire auparavant. Le portage était ma seule bouée de secours…
Je me suis mise à lire, à chercher des témoignages pour me rassurer. Dans « La mère, le bambin et l’allaitement », il y a un tout petit chapitre sur la grève de tétée. L’auteure y relève une anecdote d’une grève de tétée de 10 jours. Une autre maman de mon coin ayant allaité ses enfants plusieurs années me parlait d’une grève de tétée de 3 semaines pour l’un des siens. J’essayais de garder espoir, mais plus les jours passaient, plus je commençais à croire que ma fille s’était sevrée subitement, ou du moins, que j’avais échoué à mettre un terme à la grève.
J’étais sur le point de jeter mes vieilles brassières d’allaitement, de reprendre mes poches de linge « pas assez pratique pour allaiter », quand une nuit, alors qu’elle faisait des bruits de tétée avec sa bouche, j’ai tenté, pour une énième fois, de lui présenter mon sein. Et elle l’a pris.
Sur le coup, j’ai retenu mon souffle. Je la regardais boire goulument, bien avaler le lait, avec une prise au sein parfaite. J’avais peur d’être en train de vivre ma « dernière tétée » officielle. Elle a calé un sein au complet, s’est retournée et a dormi paisiblement jusqu’au matin.
Le lendemain, rien. Quelques jours plus tard, elle refaisait ses petits bruits de succion pendant sa sieste. Je lui ai présenté le sein, elle l’a repris. Même scénario à la sieste du lendemain. Et dans la soirée, elle en a demandé, pleinement éveillée cette fois-là.
Alors, tout est revenu comme avant! En tout, la grève a duré 12 jours. 12 jours au cours desquels je suis passée par toute une gamme d’émotions, ne sachant pas si je devais faire mon deuil de l’allaitement, m’acharner encore ou juste continuer d’y croire. J’en suis ressortie avec une immense gratitude et de l’amour plein le cœur…ainsi que 10 litres de lait maternel « frustré » au congélateur!
À toutes les mamans qui vivent une grève de tétée de leur bambin, je vous fais un gros câlin virtuel et je vous le dis : gardez espoir!
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