« Tu l’as bien cherché » disait-il…
*cet article devait être publié dans 2 semaines, mais vu l’actualité, l’auteure a demandé de le rendre publique plus rapidement*
Quand la violence familiale s’installe dans votre vie, elle s’immisce de façon tellement subtile, qu’au début, vous vous dites que ce n’est qu’une fois, que ça ne recommencera pas.
Que votre conjoint/conjointe, était fatigué/e. Une grosse journée, ça arrive à tout le monde.
Pogner les nerfs à la moindre frustration aussi.
Mais lever la main ? Sur vous, sur vos enfants? De 6 et 2,5 ans?
Avons-nous besoin de justifier ces actions là? Non.
La réponse est tout simplement, NON.
Et se faire dire « Tu l’as bien cherché! » quand on demande des excuses? Non, encore une fois. C’est NON!
Il y a environ 2 ans et demi, mon conjoint a commencé à un peu trop lever le coude.
Bière, rhum, vin rouge… souvent les trois le même soir.
Quand il ne buvait pas, il était nerveux, perdait patience.
Quand il buvait trop, il était insistant, pour des détails, des sujets de conversations, des problèmes de la vie quotidienne.
Il voulait en parler encore et encore. De l’argent, des anciens chums, du travail, etc.
Il avait déjà un penchant pour la VEO (Violence Éducative Ordinaire) qu’il avait lui-même vécue, et qui l’avait « dont ben rendu ce qu’il était ». Soit un fils d’une trentaine d’année qui avait « fuit » l’ambiance familiale à ses dix-huit ans. BRA-VO le choix éducationnel!
Une nuit, alors que je tentais de sevrer mon plus jeune qui avait dix-huit mois de ses boires nocturnes, je lui ai demandé de m’aider. Comme il ne parvenait pas à le calmer et qu’il était une heure du matin, je suis finalement revenue sur ma proposition et lui ai demandé de me rendre le bébé. Il s’est couché en m’insultant, comme quoi je l’avais réveillé pour rien. J’ai tenté de discuter; il m’insultait. J’ai insisté sur son comportement; il m’a frappée. C’était la première fois. J’étais sous le choc.
Évidemment, cette violence physique n’était que la continuité de la violence psychologique qu’il nous faisait vivre à moi et mes enfants.
Tout devait être bien coordonné dans la vie. Rangé. Chaque chose à la place qu’il avait décidé. Chaque sous compté, même ceux des bouteilles de bière. Le gars du dépanneur n’avait pas le droit de se tromper de 20 cennes, sinon j’en entendais parler pendant 2 semaines.
Mes carottes devaient faire toutes 2×2 sinon c’était de ma faute i le plat n’était pas beau, bon.
Aîné devait surtout pas mettre ses mitaines à la bouche, ni le cache-cou, et il ne devait pas taper dans la glace, ça allait briser ses bottes. Il devait se taire et arrêter de bouger.
Pas de jouets dans le salon, sinon gare à toi. Pas de chaussettes seules, sinon fin du monde. Un comportement remplit de TOC non-assumés, un caractère perfectionniste, bref, un quotidien invivable.
Un jour d’été, il m’a donné un coup à la tête, car je lui avais dit que j’en avais marre de sa violence psychologique à mon égard et à celle de notre fils.
Ce à quoi il m’a répondu : « Je suis violent? Je vais te montrer ce que c’est que de la violence… »
Les temps ont passé jusqu’à un soir d’hiver où mon aîné, apparemment, lui aurait « foutu la honte » à l’école. Il l’a corrigé. Sur les fesses. En disant qu’il allait s’en rappeler.
En effet, il s’en rappelle encore. Beaucoup trop d’ailleurs.
Ce soir là, j’ai fait ma valise, mais j’ai eu peur. Je ne suis pas parti. ON n’est pas parti. J’ai eu peur qu’il me fasse du mal. Plus qu’il ne m’en avait déjà fait.
Deux semaines plus tard, on se chicanait pour des questions financières; j’ai encore eu peur, j’ai composé le 911.
J’ai eu la chance que la police intervienne et s’aperçoive que mon chum n’était pas dans un état normal.
Qu’il était violent, alcoolique, insécure.
Et depuis, ma vie a changé.
En mieux. En beaucoup mieux.
J’ai dénoncé.
J’ai dénoncé la violence psychologique, l’abus d’alcool et surtout, la violence familiale.
Je l’ai signalé à la DPJ.
J’ai, consciemment, avec tous les préjugés et les idées qu’on a sur cette organisation, avec la peur au ventre, j’ai fais entrer la DPJ dans ma vie.
J’ai protégé mes enfants.
J’ai mis à l’écart un élément toxique de notre vie.
J’ai choisis de vivre un enfer juridique. Consciemment.
Je savais dans quoi je m’embarquais. J’y pensais depuis longtemps.
Le quitter, le dénoncer, l’empêcher de recommencer.
Je n’ai absolument aucun regret.
La DPJ est remplie d’intervenants absolument géniaux et ouverts.
Des âmes remplies d’empathie pour votre situation.
Des gens, conscients, dont la priorité est le lien parent-enfants.
Des travailleurs sociaux qui ont à cœur l’avenir du parent problématique.
Des éducateurs qui vous aident à gérer votre nouvelle situation.
Ils ont rapidement mis en place une mesure provisoire afin que le père soit toujours en contact avec les enfants, sous supervision évidemment.
Ils tentent de l’aider dans tout ça….
Je ne suis sûrement qu’au début de cette décision.
Tout est long. Tout est trop bien organisé dans notre système de justice, mais que voulez-vous : c’est ça ou c’est le bordel. J’apprends à vivre avec.
J’ai vécu dix jours dans une maison pour femmes victimes de violence conjugale.
J’y ai fait des rencontres merveilleuses de femmes, mères de familles et travailleuses.
Je suis passée de l’attente quotidienne à l’attente hebdomadaire.
Trois mois plus tard, je rencontre enfin une avocate pour officialiser la garde.
Ma vie est ponctuée de crises, évidemment.
Mes enfants veulent leur père, surtout le plus jeune, âgé de 2,5 ans. Il ne comprend pas trop encore. Mon plus vieux, 6 ans, est très conscient de tout ce qu’il se passe.
Je suis devenue mono. À 100%.
Je me lance des fleurs le soir dans mon lit quand je vis des journées difficiles, mais que j’arrive à les faire souper, rire, danser…
Je tente de prendre du temps pour moi, enfin, après trois mois.
J’ai peur de le croiser, mais je dois vivre avec.
J’ai peur de refaire ma vie, car j’ai peur de le croiser encore.
J’ai peur de ce qui s’en vient pour lui, car je ne lui souhaite pas de mal. Je souhaite qu’il chemine. Qu’il arrête d’être dans le déni.
Je vis la peur au ventre, TOUS les jours.
Je suis Mme Tout-va-bien, car tout va bien.
Je suis en sécurité depuis ce soir là.
Mes enfants n’ont plus de craintes. De moins en moins en tout cas.
Mon aîné me demande des fois, si un jour il aura un papa qui ne tape pas. J’y travaille 😉
Il me demande si son papa, un jour, ne sera plus violent, j’espère que lui, y travaille.
La violence familiale peut inclure les disputes beaucoup trop intenses, vulgaires, la jalousie.
Le viol entre conjoints aussi.
La violence physique et brutale et surtout, de plus en plus, la violence psychologique, celle qui ne se voit pas. Celle qui ne se prouve pas. Celle qui protège ceux et celles qui la font vivre.
La violence est un cercle difficile à briser, mais un soir, un matin, un midi, peu importe, sautez sur le wagon de courage qui vous traversera et sachez que vous serez très bien pris en charge.
La peur au ventre, certes. Mais sautez sur ce wagon avant qu’il ne soit trop tard!
Enregistrez chaque chicane, filmez chaque preuve, notez tout ce que vous pouvez, mais dénoncez avant qu’il ne soit trop tard!
***
Je ne sais quoi vous dire concernant Daphné Boudreault.
Que la police a mal jugé la situation, c’est clair.
Que son petit ami devait être d’un calme très posé pour n’éveiller aucun soupçon.
Mais malgré cette défaillance du système, n’hésitez pas à en parler autour de vous.
C’est IN-AC-CEP-TABLE comme situation!
Tania dit
Rien à dire si ce n’est… gros frissons de souvenirs… Merci… courage à vous, vous êtes formidable !