Un jour pas comme les autres dans ce Québec que j’habite.
Même si j’avais 5 ans lors de la tuerie de Polytechnique et que je n’ai aucun
souvenir de cet événement, il n’en reste pas moins que cela m’émeut et
m’atteint en tant que femme et en tant que Québécoise.
À vous, mes filles, j’aimerais pouvoir vous dire que cet événement fait
partie du passé et que vous n’aurez jamais à vous battre pour prendre
votre place. J’aimerais vous dire que dans notre société les femmes et
les hommes sont égalitaires et se traitent avec respect.
Malheureusement, la réalité est autre. Vous n’aurez probablement pas à
défendre votre vie pour votre choix de carrière, du moins je l’espère
profondément, mais vous aurez quand même à vous battre pour obtenir les
mêmes droits et conditions que les hommes. Même si la loi est de votre
côté, il reste tant de chemin à parcourir en tant que société.
C’est insidieux et j’y participe sans le vouloir.
J’y participe quand je t’offre ma grande de la peinture en cadeau plutôt qu’une petite auto.
J’y participe quand je ne t’encourage pas à devenir pompière comme tu le
souhaites parce que j’ai peur de l’intimidation et des conditions dans
lesquelles tu travailleras. J’y participe quand je joue au château avec
toi ma petite, que tu attaques avec le serpent et que je fais crier la
princesse “À l’aide!!!” d’une voix minable comme si elle ne pouvait rien
faire d’autre que d’attendre l’aide d’un chevalier…
J’y participe sans le vouloir, en te lisant des histoires où le
personnage principal est presque toujours un homme, ou les femmes sont
le stéréotype de la princesse ou de la mère ménagère. La société tout
entière y participe en ne te permettant pas d’avoir des modèles féminins
dans les postes au pouvoir, dans les chefs d’entreprise, dans les héros
de tes émissions de télévision et dans les nombreux livres que tu lis.
La ville y participe, quand tu veux faire du soccer et que je découvre
que les cours de soccer pour les enfants de 5 ans et plus sont
uniquement masculins. Que ce sport t’est refusé dans ta ville à moins
d’aller vers une entreprise privée avec des coûts plus élevés.
J’aimerais pouvoir dire que ce combat est terminé et qu’il fait partie
du passé, mais malheureusement ce n’est pas le cas.
Vous allez devoir vous battre contre la société et plus difficile encore, contre ces
préjugés et stéréotypes que moi et la société allons vous inculquer sans
le vouloir, tout comme moi je dois me battre contre mes propres
stéréotypes quand je joue avec vous au château ou quand j’invente des
histoires. Sans même m’en rendre compte, il est bien rare que les femmes
de mes histoires réalisent des actions héroïques.
En ce jour si particulier, je pense qu’il est important de se souvenir
des victimes de cet attentat antiféministe, mais également de se
souvenir que le combat n’est pas fini. Qu’il ne fait pas partie du passé
et qu’on y participe tous sans même le vouloir. Y prendre conscience
c’est déjà le premier pas pour qu’un jour nos filles puissent dire à
leurs propres filles que ce combat était celui de leurs grand-mères. »
Bien à vous,
Amélie Bourdon
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