Premièrement, je souhaite faire la différence entre un individu avec un diagnostic, mais qui arrive à fonctionner et un individu qui a un diagnostic, mais qui est dysfonctionnel pour le marché de l’emploi. Car oui, nous pouvons avoir un diagnostic, mais avec certaines stratégies mises en place arriver à fonctionner, mais il existe aussi des personnes qui n’arrivent pas à fonctionner sur le marché de l’emploi ou dans la vie, même avec des mesures mise-en-place. Mon texte s’adresse aux personnes qui arrivent ou arriveront à être fonctionnelles, avec certaines mesures mises en place.
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Ça y’est, ça vient de tomber, votre fils ou votre fille ou même vous-même êtes diagnostiqués d’un trouble quelconque : TDA, TDAH, TSA, trouble de l’adaptation, dépression… etc.
Pour certains, ce sera un soulagement. Enfin, on sent qu’on entre dans une case à quelque part… Pour d’autres, c’est le drame. Là, vous ne vous sentez pas correct, pas normal, différent des autres, pas « ok » … vous pouvez peut-être même vivre de la honte… Que dire même vous sentir exclus ! Ok, STOP ! Ça suffit, pas besoin de vous tapez dessus, déjà vous devez faire face à ce qui vous arrive à vous ou à un de vos proches… Soyez indulgent avec vous-même. Le sujet des diagnostics est un sujet délicat, car bien sûr cela aide à mieux intervenir et établir un plan d’action en lien avec le diagnostic.
Mais le danger est de s’enfermer dans une boîte avec son diagnostic et s’y identifier tellement que d’en oublier son nom, sa personnalité. Dans une entrevue avec Claire Lamarche dans un documentaire sur l’anxiété, le Docteur Lupien, spécialiste en gestion du stress, dit la chose suivante à une étudiante qui se présente comme une anxieuse :
« Mais quel est ton nom ? »
Avant d’être un diagnostic, vous êtes une personne, et cela, il faut se le rappeler. Comme professionnelle de la relation d’aide, j’utilise les diagnostics pour évaluer la situation de la personne, mais j’essaie aussi de voir la personne dans son ensemble, le diagnostic est une partie, mais pas le tout.
La suradaptation à son environnement, un phénomène lié à l’explosion de problème de santé mentale ?
Ce qui est intéressant, c’est la chose suivante. Dans notre société d’aujourd’hui, quand un individu aujourd’hui ne fonctionne pas parfaitement dans notre cadre de société, on pourrait très bien lui coller l’étiquette de trouble de l’adaptation. Le psychologue, Denis Doucet amène un point de vue intéressant. Quand un poisson est malade dans son bocal, que fait-on ? On va analyser l’eau, le ph, la chaleur de l’eau, etc. Bref, on va regarder l’environnement du poisson, pour comprendre pourquoi il ne va pas bien. Il pousse plus loin son explication, avec l’exemple qui vient. Si un pingouin se trouve au Mexique, par exemple. Il va de soi qu’il se sentira mal. Car il n’est pas fait pour ce genre d’environnement. Il est fait pour être dans le froid. De là, son explication du syndrome de la suradaptation à son environnement. Bien sûr, plus vous vous adaptez à un environnement qui est différent de votre nature, plus vous vous éloignez de vous-même et ainsi, peut-être tomberez-vous « malade ». Donc, posez-vous la question suivante :
« D’après- vous, selon qui vous êtes, votre fonctionnement, quel environnement serait mieux pour vous ? »
Une société avec des valeurs exigeantes : la performance…
Johanne Collin, sociologue, historienne et professeure en pharmacologie, offre une analyse des valeurs de la société de performance. Elle soutient que le dépassement de soi peut être positif, car on se sent en contrôle, en réussite. Mais là où le dépassement de soi devient problématique, c’est lorsque c’est du dépassement pour du dépassement… et quand il n’y a plus de fin aux demandes de dépassement, les gens finissent par s’épuiser. Mme Collin mentionne que comme société nous devons nous poser la question suivante :
« Est-ce que nous voulons une société humaine où, par exemple, il est ok de prendre le temps d’élever ses enfants versus une société où l’on doit se dépasser coûte que coûte, une société de robot… »
N’en sommes-nous pas rendus là déjà? À une société de robots? Quand il faut donner des pilules à des enseignants pour qu’ils enseignent et d’autres pilules à des enfants pour qu’ils apprennent. Et j’irai plus loin, à des mères travailleuses, pour qu’elles soient fonctionnelles et disposée à élever et à travailler… Ne sommes-nous pas déjà des robots ? On ne fonctionne plus avec cœur, mais avec un médicament qui nous gèle les émotions et nous dit de continuer…
Diagnostic et système scolaire
Dans un article du Journal de Québec, publié le 6 novembre 2019, on mentionne des faits alarmants. « Le surdiagnostic entourant le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les enfants québécois s’explique en partie par la pression exercée par l’école […]». Ce n’est pas normal que 17,5% des enfants québécois au début du primaire soient diagnostiqués et que 90% d’entre eux soient médicamentés ! En contrepartie, en Belgique, seulement 2,5% des élèves reçoivent un diagnostic. Ici au Québec, les enseignants, à qui on en exige beaucoup, se tournent vers l’obtention d’un diagnostic, pour tenter de justifier plus de ressource en classe (TES, psychoed, etc)… Malheureusement, faute de support, l’on se rabat souvent sur un médicament pour faire de la gestion de comportement..
En fait, cette situation souligne aussi comment les enseignants sont en difficulté et en souffrance. D’après une recherche menée par Ariane Michaud, «le quart des enseignants […] ont reçu un diagnostic de dépression depuis le début de leur carrière» (Des milieux de travail toxique, Actualité UQAM). «Les enseignants s’aperçoivent qu’ils n’ont pas les ressources ni les moyens pour aider leurs élèves comme ils le voudraient et ils ne sentent pas qu’ils peuvent actualiser leur plein potentiel.» (Ariane Michaud, Professeure au Département d’éducation et pédagogie de l’UQAM). Manque de reconnaissance, relations toxiques entre collègues, manque de latitude sur leur gestion de classe menant à un sentiment d’être inutile et impuissant, les enseignants se sentent parfois pris en étaux.
Est-ce normal, qu’une société fonctionne ainsi? Des profs épuisés, des enfants médicamentés pour préserver des profs surchargés … Pas surprenant qu’il y ait pénurie de profs en ce moment.
Le surmenage parental
« Une mère sur cinq souffrirait de surmenage parental à un moment ou un autre de sa vie. »
(Radio-Canada, 4 juillet 2018, Le surmenage parental, un phénomène qui prend de l’ampleur). C’est beaucoup n’est-ce pas ? Dans le même article, on souligne la chose suivante : « Il y a un lien assez étroit entre l’épuisement parental et le désir de vouloir être un parent parfait, de vouloir avoir un enfant parfait, indique le professeur au département de psychologie de l’UQTR, Carl Lacharité.
La quête d’équilibre, la conciliation travail-famille touchent beaucoup de parents. Malheureusement, beaucoup gagnent un meilleur équilibre après avoir vécu un épuisement. Il est très dure après avoir eu des enfants, de continuer de donner notre 100 % partout, dans toutes les sphères de vies. Quand nos enfants en naissant, ils créent un déséquilibre dans toutes ces sphères de notre existence. Dans cet esprit de performance, le parent cherche souvent à donner le même effort, comme il le faisait avant la venue de ses enfants. Mais en réalité, il a moins de sommeil, moins de temps, moins d’énergie, car il en donne tant à ses rejetons.
L’orientation pour se reconnecter à soi, à nos forces, notre côté unique
Notre société d’aujourd’hui est déshumanisante, exigeante et nous demande d’être performant tout le temps. Cela ne peut que créer des êtres de plus en plus malades, en déséquilibre, en dysharmonie et en non-contact avec eux-mêmes… Comme conseillère d’orientation, mon travail est d’amener la personne en contact avec elle-même, avec qui elle est, avec son identité, ses valeurs profondes, ses intérêts, ses forces… Dans mes mots, j’aime dire prendre contact avec « son essence naturelle », non adaptée, non forcée, afin de mieux se choisir et ainsi choisir un métier qui lui convient, qui lui ressemble.
Bref, de créer la vie, les projets de vie cohérents avec qui elle est vraiment. Mais comment faire tout cela, si on ne se voit qu’au travers des yeux d’une société malade qui nous met dans des boîtes limitantes (diagnostics)? Bien sûr, comme professionnelle, quand j’ouvre un nouveau dossier, je me dois de poser la question : « Avez-vous des diagnostics ? Des problèmes de santé mentale ou de santé physique, des troubles d’apprentissage ?…» Mais, après cela, je regarde qui est la personne, qu’a-t-elle besoin pour s’épanouir et grandir ?
En fait, pour moi, un diagnostic est une petite lumière qui est allumée et qui m’indique de faire preuve d’encore plus de bienveillance, de patience, de temps, de compréhension et d’empathie à cette personne unique, qui fonctionne probablement différemment de la majorité. Mais qu’est-ce que la normalité? En fait, nous sommes tous uniques et différents et c’est par ces caractéristiques que nous créons notre identité, notre couleur. Bien sûr, pour fonctionner, la société aimerait dire que tout le monde sont « des pommes » et qu’après avoir passé dans le système, nous faisons tous « des tartes aux pommes » parfaites rapidement et efficacement. Mais, la réalité est que, pour reprendre l’analogie, nous ne sommes pas tous des pommes… Certains sont des poires, d’autres des bananes, d’autres des céleris et c’est bien ainsi, car c’est avec notre côté unique que nous pouvons faire des choses différentes et faire en sorte que tout le monde ait sa place. Si tout le monde voulait faire des « tartes aux pommes», il n’y aurait pas de tarte aux poires, ni de pain aux bananes, ni de gâteau aux zucchinis ». Si tous essayaient d’être identiques, il y aurait trop de comptables, trop de médecins, pas assez de mécaniciens, pas assez de plombiers, etc.
Et donc, j’en reviens à la base: chacun de nous, en fonction de qui nous sommes, de nos forces, de notre personnalité, de nos intérêts, de nos valeurs, pouvons faire des choix pour exprimer notre côté unique, et ainsi contribuer à la société de par qui nous sommes. Ainsi, en décidant de nous actualiser comme individu, nous pouvons contribuer encore plus à la société, aux gens qui nous entourent. De plus, votre chemin de vie sera plus facile à tracer, car en lien avec l’essence de votre identité profonde et vos valeurs. Quand nous vivons dans l’authenticité, cela attire la même chose.
En nous choisissant, nous choisissons de ne plus nous battre contre nous-mêmes, de nous faire du mal… Soyez bienveillant envers vous-même, écoutez ce dont vous avez réellement besoin et le goût de faire, écouter vos limites et elles vous dicteront la vie que vous avez le goût de créer pour prendre soin de vous-même. En étant en harmonie avec vous-même, vous serez plus heureux et rayonnerez autour de vous.
Diagnostic et approche en psychologie
Pour faire du chemin sur cette idée, il existe une approche dans le domaine de la psychologie systémique interactionnelle (thérapie brève stratégique), qui n’utilise aucunement les diagnostics. Pourquoi ? Tout simplement, parce que certaines recherches ont démontré qu’un diagnostic peut devenir comme une prophétie autoréalisante. En d’autres mots, lorsqu’une personne reçoit un diagnostic, elle devient stigmatisée, se victimise et prend un rôle passif. La psychologie systémique interactionnelle ne regarde pas pourquoi la personne est comme elle est. Elle regarde plutôt comment le problème de la personne fonctionne, comment la personne se maintient dans cette problématique et quelles tentatives de solution elle utilisent, mais qui malheureusement la maintiennent dans son problème. Voyez-vous la différence ? Ce n’est pas la personne qui est le problème, mais bien comment la personne contribue à maintenir sa difficulté. En observant en douceur et bienveillance ses comportements, ses pensées, on peut ainsi arriver à amener un changement, car la personne est au cœur du changement et non victimisée par un diagnostic.
Conclusion
La hausse du nombre de diagnostics dans notre société n’est-elle pas finalement un symptôme comme quoi nous sommes confrontés à beaucoup plus de stress que nos ancêtres?
Alors ce diagnostic, il sert à quoi finalement ? Franchement, lorsque cela survient, peut-être serait-il bon de faire un bilan d’où vous en êtes, comment votre quotidien se déroule.
D’après la psychologie positive, ce qui rend heureux, c’est d’avoir des journées heureuses, des journées passées à faire des activités qui ont un sens pour la personne qui les réalise et avec les gens qu’elle aime.
Faites attention à vous-même, à votre côté humain… SVP, ne vous mettez plus dans une boîte comme la société le fait si bien. Partez de vos valeurs, de vos besoins, de vos forces, de vos intérêts et créez une vie qui vous ressemble. Créez des opportunités dans votre vie. Vous risquez d’être fortement plus heureux et zen plutôt que d’être anxieux d’être différent des autres. Ayez de l’amour pour vous-même. Vous avez un diagnostic ? Ouais, et puis ? Cela souligne la bonne nouvelle suivante: vous êtes un être humain! Vous n’êtes pas parfait. Regardez vos forces et vos aptitudes, vos limites et ce qui fait votre différence; elles sont là pour vous indiquer que oui, vous n’êtes pas pareil comme tout le monde, vous êtes unique. Vous voulez être une « pomme » comme tout le monde? Malheureusement, vous êtes autre chose et il vous faudra le découvrir. Pas avec un diagnostic, mais de manière positive. Vous êtes peut-être une aubergine ou autre. À vous de découvrir ! Une chose est certaine: le moule qui forme des « tartes aux pommes », ce n’est pas pour vous. Vous devrez identifier, créer une structure qui vous convient afin de créer autre chose que des « tartes aux pommes ». Oui, cela demande plus d’efforts, mais vous risquez d’être plus heureux et en harmonie avec vous-même. Puis en faisant cela, vous créer votre place, et en plus vous permettrez à d’autres de se reconnaître et d’aller sous votre toit pour s’y sentir mieux et compris.
Comme Gandhi disait « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».
Je dirais même que, en étant vous-même et en créant une place à votre image, vous pourrez contribuer beaucoup plus à cette société de par qui vous êtes. Constatez comment Greta Thunberg en est un bel exemple. Asperger et diagnostiquée d’un trouble obsessionnel compulsif, à 16 ans elle rassemble des foules immenses pour revendiquer un nouveau leadership politique pour contrer les effets néfastes des changements climatiques. N’est-ce pas magnifique ? Faites-en autant. Faites votre place. Embrassez qui vous êtes. Si vous ne le faites pas, personne ne pourra le faire à votre place. Tracez votre vie, votre chemin, en lien avec qui vous êtes.
Namaste.
- Sites internet
Documentaire: Génération d’anxieux
https://zonevideo.telequebec.tv/media/48712/generation-d-anxieux/generation-d-anxieux
Valeurs de performance
https://zonevideo.telequebec.tv/media/29260/les-valeurs-de-la-societe-de-performance/faut-en-parler
Société de performance
https://zonevideo.telequebec.tv/media/29450/societe-de-performance/faut-en-parler
Gestion de l’anxiété par un étudiant de médecine
- Articles de journaux
https://www.journaldequebec.com/2019/11/06/tdah–la-pression-de-lecole-se-confirme
https://www.actualites.uqam.ca/2018/les-ecoles-peuvent-aussi-etre-des-milieux-de-travail-toxiques
· Suggestion de lecture qui va vous aider en ce sens :
DOUCET, Denis. Le principe du petit pingouin: Souffrez-vous de suradaptation ? (Psychologie)
- École et approche thérapeutique de Paolo Alto
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Palo_Alto
http://www.mieux-etre.org/Therapie-breve-modele-de-Palo-Alto.html
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