Nos grosses émotions

Ma fille aura sept ans cet été. C’est une enfant qui a une joie de vivre belle et pure. Une enfant qui entend de la musique où il n’en a pas, qui voit la vie briller de milles couleurs.

L’envers de cette vision de vie, est une capacité à vivre de grosses émotions. Ça, elle en a toujours eu. Combien de fois je suis allée la chercher chez des amies, ou la famille? Je rentre, l’observe qui joue et rit, puis, elle me voit et éclate en sanglots. De gros sanglots, qui prenaient de l’ampleur. On me rétorquait, « En tout cas, ça allait mieux avant que t’arrive! » Ah? Ben merci…. Ou bien ils lui disaient « Les grandes filles ne pleurent pas pour rien. »

Puis, un jour, j’ai vu passer un article sur Facebook à propos de ces enfants qui explosent seulement en présence d’un de leur parent. Intriguée, je lis l’article. C’en disait beaucoup, mais le résumé était que souvent les enfants sensibles encaissaient tout sans le montrer, puis laissait exploser leur volcan lorsqu’ils voyaient leur pilier. Ils savaient qu’ils étaient en sécurité et pouvait se déposer. Le frisson qui m’a parcouru à ce moment m’a fait comprendre que c’était le cas de ma fille, c’était la vérité. Notre vérité, à elle et moi. Parce qu’après tout, je réagis de la même façon; j’encaisse jusqu’à ce que je me sente en sécurité.

Mon gars, lui, verbalise très bien. Récemment, il jouait dehors avec des amis. Il est rentré en s’écriant, « Je ne sors plus dehors! Ils m’ont trop fâché! » Je demande des explications, cherche à comprendre. Il relate l’évènement puis termine en disant, « Ils m’ont fait de la peine. » Tête basse, lèvre qui tremblote. Finalement, de lui-même, il décide de retourner jouer dans la neige. Fin de l’histoire. Mon amie qui a tout entendu dit, « wow! Il verbalise vraiment bien! » Oui. Une belle richesse qui est plus facile, on va se le dire, que de décoder les émotions de ma fille.

Elle se sert de ses émotions pour s’exprimer, ma fille. Elle a créé un thermomètre de la colère à l’école et l’a ramené à la maison. Elle l’a affiché à côté de celui de son frère, fourni par la travailleuse sociale. Elle nous l’explique, fièrement. Ce soir-là, je me brosse les dents et j’entends mes enfants discutés, puis ma fille éclater en sanglots. Les grosses larmes qui viennent d’un cœur brisé. Elle dit, au travers de ses larmes, « Mon thermomètre est à dix Liam! J’ai de la peine! » J’ai adoré entendre ça. Parce que pour moi, ce thermomètre sert réellement à déterminer notre colère à moi et mon garçon. Mais son émotion à elle sort en peine.

Des fois, elle arrive à la maison après l’école, s’enfarge dans les fleurs du tapis, et pleure. Toujours je lui demande si elle veut que je la tienne pendant qu’elle passe sa grosse émotion. Des fois c’est oui, des fois c’est non, mais j’ai compris que si elle me dit non, elle préfère que je reste auprès d’elle. Nous sommes souvent assises l’une à côté de l’autre, jusqu’à ses pleurs s’arrêtent, puis elle vient se blottir sur moi. Elle n’arrive jamais à m’expliquer d’où vient sa peine. Mais souvent dans les jours qui suivent, j’apprends qu’elle a changé de place en classe, ou son casier, qu’elle s’est chicanée avec une amie, ou a fait des mauvais choix à l’école et a eu une conséquence. La raison m’importe peu, pour être honnête. Pour moi, l’important est qu’elle comprenne qu’elle a le droit à sa peine et ses émotions. Qu’elle est en sécurité et aimé et écouté, dans ses émotions et ses besoins.

Il y a deux semaines, un évènement a déclenché mon anxiété, ce qui a déclenché ma colère. Mon ton était sec, et j’avais les dents et l’estomac serrés. J’étais assise sur le divan et je lançais des ordres à mes enfants, jusqu’à ce que ma fille m’approche doucement et me dise, « C’est quoi ta grosse émotion ce soir, Maman? Veux-tu en parler? »

Et d’un coup, ma colère s’est dissipée. Elle m’a sauvé de beaucoup d’émotions cette soirée-là ma fille, et on a fait beaucoup de cheminement pour se rendre là.

Alors que je n’entende personne dire à ma fille que ‘les grandes filles ne pleurent pas pour rien,’ parce que je vous confirme que vous aurez à vous mesurer à mes émotions.

Tanya