Ce n’est pas un secret pour personne : voyager sac au dos avec des enfants exige du planificateur de bagages un niveau de compétition en Tetris, mais aussi une certaine propension au tri sélectif. Très sélectif. Si l’on ne veut pas se retrouver à devoir trimballer un semi-remorque à l’autre bout du monde, il faut voir petit, simple, limité. Il faut chercher le peu, le pas beaucoup, le nécessaire, le strict nécessaire. Le reste? On le laisse à la maison.
Dans notre cas, c’est d’autant plus vrai qu’un bagage entier doit être consacré au travail. On s’est donné pour mission de tout faire entrer les articles de base des 5 membres de la famille dans un seul sac à dos de 60 litres : vêtements, trousse à pharmacie, trousse de premiers soins, produits d’hygiène, etc. Il n’y a pas à dire, on fait vite le tour de la garde-robe, mais tout y est pour survivre 4 à 5 jours dans des vêtements propres qui auraient été portés une seule fois chacun.
Simplicité matérielle et amusement
Mais il n’y a pas que le matériel de première nécessité qui a dû passer au tordeur de la simplicité matérielle. L’excédent, l’amusant, le distrayant, y est aussi passé. Chaque enfant a un petit sac à dos (6 litres pour les filles, 3 litres pour le petit frère). À l’intérieur : un chandail chaud, une paire de sandales, un petit cahier de notes, un jeu de cartes (qui ne sert pas), des crayons, un petit sac à surprises pour le long trajet en avion et 3 petits livres pour l’aînée. Ce sac, c’est leur espace qu’ils doivent gérer. En route, si les enfants ont envie de quelque chose, non seulement il faut que ladite chose entre dans le budget, mais il faut aussi qu’ils aient l’espace pour le trimballer. Ça ne rentre pas? De quoi peux-tu te départir pour ça rentre? Choisis.
Depuis le début du voyage, ils n’ont, à 3, qu’un seul jouet digne de ce nom : un paquet de ce qu’on pourrait appeler « des blocs », reçu en cadeau dans un marché de nuit. C’est tout. Si l’on ajoute le jeu de UNO miniature, le jeu de cartes qui ne sert pas et les deux petits toutous gagnés aux arcades de rue à Taipei, la « salle de jeux » peut se targuer de contenir 5 articles.
S’inventer des jeux avec des riens
Depuis deux mois, ils partagent tout, ou presque. Depuis deux mois, ils s’inventent des jeux avec des riens. Les bouteilles d’eau deviennent un jeu de quilles, un fort, un groupe d’enfants qu’il faut surveiller; une serviette de bain se transforme en hamac pour toutou, le toit d’un refuge inventé entre deux lits. Les coquillages trouvés sur la plage le mois passé font office de monnaie d’échange qui permet d’acheter des dessins gribouillés sur des serviettes de table au « magasin de dessins » improvisé sur le balcon. Les outils se simplifient, les scénarios se multiplient. Comme si la raréfaction matérielle amenait la prolifération des idées et que le contingentement aidait à la créativité.
Pas que la salle de jeux soit particulièrement fournie à la maison, mais cette simplicité matérielle accrue fait ressortir la capacité d’amusement, l’imagination fertile et l’essentiel des jeux de l’enfance. Et bien que les fréquents changements de décor et l’excitation sans cesse renouvelée de l’inconnu puissent faciliter cet état d’esprit, je crois fermement qu’il y a une leçon à tirer, un modèle à tenter de reproduire et à adapter au retour.
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