Je suis le genre de mère qui, avant d’avoir un deuxième enfant, réussissait à ne pas crier.
J’étais loin d’être parfaite, mais j’étais fière de réussir à conserver mon calme lors des crises. C’est au cours de ma deuxième grossesse que j’ai commencé à faire des deuils; plusieurs deuils. Il y a eu mon aîné qui s’est sevré durant la grossesse. J’étais partagée entre le fait d’être triste qu’il cesse de téter et soulagée car mes seins criaient « douleur » à chaque boire. (À noter que pour certaines mères, la douleur est moins grande et passe rapidement.) Malgré cette douleur, j’étais prête à continuer, mais mon grand a préféré se coller et me jouer dans les cheveux.
Enceinte déjà, j’anticipais énormément ce moment où j’aurais à « séparer » mon amour en deux.
On m’avait dit que mon amour doublerait. J’avais confiance mais j’avais aussi la frousse. Et si jamais je ne réussissais pas à doubler l’amour? Le jour où mon mini est arrivé et que mon grand est entré dans la chambre pour le rencontrer fût intensément magique. Les grands frères savent dès le premier instant comment être des grands frères. Mise à part que le mien voulait déjà jouer aux autos avec lui! Il l’a regardé, a voulu le prendre et lui donnait des bisous. C’était si merveilleux de les voir ensemble! J’avais le cœur rempli d’émotions mais aussi d’une légère anxiété. Je ne concevais pas comment j’allais être à la hauteur. Comment pouvoir me séparer en deux et répondre à leurs besoins, aux deux, en même temps?
C’est ainsi que passèrent les semaines. C’était un peu moins magique pour mon grand. Une fois la poussière redescendue, il voulait que son petit frère retourne dans mon ventre. Je ne dormais pas. J’avais un peu les seins sensibles. J’étais en mode survie. Mais, mais, mais… je ne pouvais juste pas survivre. Je devais être là pour mon aîné. Faire un casse-tête, l’endormir, le câliner, le consoler, le prendre, lui donner un bain, ramasser un « oups , maman j’ai fait caca par terre »! (Vive le portage!!!) Combien de fois j’allaitais mini, assise par terre à côté du lit de mon grand pour lui flatter le dos au coucher! Je me rappelle que dans les premiers temps, je m’en voulais d’avoir fait un autre bébé. Je l’aimais. Je l’adorais même. Je ne le regrettais pas mais j’envisageais difficilement pouvoir continuer d’être cette mère aimante, maternante et calme. Je n’osais pas m’imaginer avoir trois ou quatre enfants!
J’ai voulu mourir la première fois où, tout à coup, un comportement m’a fait lever le ton. Pas juste un ton ferme, non, le ton d’une mère qui veut protéger son bébé ou qui est juste trop épuisée pour être empathique aux émotions de son bambin. Une mère qui ne gère plus ses propres émotions. Ensuite, il y a eu la culpabilité. Non seulement je criais, mais en prime je n’étais plus autant disponible. Le temps d’écran pour mon grand venait meubler plusieurs moments de sa journée. J’étais loin de respecter le fameux une heure d’écran par jour. J’aurais souhaité pouvoir offrir autant à mon bambin qu’auparavant.
Un jour, une amie m’a écrit un message qui a été un vrai baume sur mes sentiments. Je vous le partage.
« Surtout, il ne faut pas que tu te sentes mal par rapport à ton aîné. Je sais qu’au début, quand on a un deuxième bébé, on ne voit que ce qu’on enlève à notre premier; moins de temps, moins de patience, moins d’énergie, moins envie de faire pleins d’activités. Ce que tu n’es pas encore en mesure de réaliser (et ça prend souvent plusieurs mois, voire une année), c’est tout ce que tu lui as donné en lui fabriquant un petit frère. Il a gagné un ami pour jouer, un autre enfant avec qui rire, pleurer, se chicaner, apprendre à créer des liens, régler des conflits, faire des cabanes, à qui enseigner des choses…, et des mauvais coups. Tu lui as fait un beau cadeau à ton aîné, mais tu n’es pas encore en mesure de le réaliser, parce que tu es en train de faire ton deuil du 100%. Ça va se placer. On passe toutes par cette étape et au deuxième, c’est plus difficile parce qu’on ressent beaucoup de culpabilité. Dans quelques temps, tu vas réaliser à quel point tu lui as fait un beau cadeau. En attendant, essaie de te donner des chances. Tu n’as pas à être parfaite. Ton enfant ne s’attend pas à la perfection et même si tu ne lui offres plus autant d’attention, il n’y aura pas de dommages irréparables. »
Ces mots ont résonné si justes et vrais en moi. Faire son deuil du 100%; c’est tellement ça!
Je crois que chaque mère vit ces moments différemment, avec plus ou moins d’intensité. Malgré les débuts difficiles, mes deux garçons ont une excellente complicité. Ils se tiraillent, se câlinent, rigolent et apprennent tellement ensemble. J’en suis venue à faire la paix avec ce partage d’amour dans mon rôle de mère de deux enfants!
Jessica
Amanda dit
Pour moi l’arrivée de la 2eme a ete une grosse claque dans ma figure, et m a fait remonter tout ce que j avais loupé avec ma premiere, le lien des la naissance etait different, l’allaitement reussi avec ma 2eme et loupe pour ma premiere, bref …. ce fut un sacre chamboulement !
ce qui n empeche que j aime ma premiere plus fort que tout, mais les debuts ont ete plus compliqués alors qu’ils ont ete si simple avec ma seconde….
les circonstances de la naissance y sont sans doute pour beaucoup, mais on culpabilise quand meme de ne pas avoir su faire « aussi bien » pour les 2 ….
Marie-Pier dit
AAAAAAAAAAAAAAAAA Jessica je veux être ton amie! lol
J’adore ton texte! Je songe à bébé deux et comme toi je suis en très grande proximité avec ma fille toujours allaitée de 25 mois! Ça me prend au coeur 🙂 Superbe
Mélanie P Handfield dit
Je suis passée par là aussi et une amie m'a dit: "ta grande ne peut plus avoir 100% de ton temps et ta petite non plus… Mais elles ont quelque chose de nouveau, elles sont deux!" Elles ont l'une et l'autre qui sans remplacer maman, modifie la relation et l'enrichit d'une façon qu'on ne réalise pas au début, mais que l'on constate très rapidement quand on fait une activité spéciale avec une et qu'elle demande où est l'autre. L'amour fraternel est différent mais est d'une force immense… Quand on le réalise, on peut enfin cesser de culpabiliser xx
Sophie dit
Merci pour ce texte! C’est exactement ce que je vis actuellement. J’ai accouché de ma deuxième alors que ma relation avec ma première était très forte. Nous étions toujours complètement imbriquées. Et ça fait 7 mois que j’essaie de me séparer constamment en 2. Ce sont les seuls trucs que je trouve vraiment difficile d’avoir 2 enfants : ne plus être autant disponible, et oui, comme toi, perdre patience plus souvent! Je travaille la-dessus. Donc merci encore, et ã ton amie!
Josée dit
Sophie, ta réponse est ce que je vie aussi. J’aurais écris exactement les mêmes mots et si ça nous touchent autant c’est probablement que nous sommes de merveilleuses mamans même si parfois ont doutes de nous-mêmes 😉 merci !
Val dit
L’infirmière en périnatalité m’a dit un jour que malgré que je devenais moins disponible pour ma premiere fille, elle, elle a eu quelque chose que sa sœur n’aurait jamais : 1 an de sa vie complètement seule avec moi! Ca m’avait fait du bien, et je m’en souviendrai toujours. Pas parce que je voulais qu’elle ait plus que sa petite sœur, mais parce qu’elle avait eu son 100% à elle, que personne d’autre n’aurait jamais. C’était une de ces phrases qui tombent juste à point, au moment où tu es prête à l’entendre…
François dit
Pour ma part, je vois le 100% comme un tout apporter par l’addition du père et de la mère. C’est le travail du père et de la mère ensemble qui permet de donner le plus près du 100% à nos enfants lorsqu’ils sont au nombre de 2. De prendre toute la responsabilité sur vos épaules en tant que mères à mon avis, fait en sorte qu’on s’éloigne de plus en plus du 100%. J’apporte ce commentaire pour atteindre positivement les femmes désirant un second enfant.
Mary Bourgeois dit
Merci.. juste merci! J’en avais besoin!