La présence des conjoint(e)s pendant l’accouchement est largement répandue, mais leur rôle reste flou dans la plupart des esprits. On en parle peu (malheureusement), parfois en croyant qu’ils savent déjà exactement où ils s’en vont, d’autres fois par pudeur, voire par tabou. Chacun peut s’en faire une opinion personnelle, mais j’espère donner quelques pistes de réflexion à ceux qui doutent encore de l’importance qu’ils peuvent avoir pour leur blonde ou à de la manière dont ils peuvent se rendre utiles.
À noter : j’invite avec plaisir toutes les conjointes lesbiennes à se sentir inclues dans mes propos, car ceux-ci s’adressent aux partenaires de vie des femmes qui accouchent, femmes ou hommes!
Première étape : choisir
La première chose qu’on prend pour acquis (à tort), c’est que le conjoint désire être présent à l’accouchement et se sent à l’aise d’y être. Or, c’est loin d’être le cas pour tous. Les papas ressentent beaucoup de pression à ce sujet, et c’est plutôt dommage. La plupart du temps, même s’ils n’osent pas le dire, les papas ne se sentent pas particulièrement confiants, confortables et importants en pensant au grand jour. Trop souvent, parce qu’on leur impose une image de papa parfait et impliqué (#mercimédiassociaux), ils n’osent pas poser les questions qui les aideraient réellement.
Il est rare qu’un papa affirme ouvertement qu’il ne désire pas être présent à l’accouchement, ou qu’une femme enceinte choisisse d’accoucher sans son conjoint parce qu’elle ne se sent pas à l’aise à l’idée qu’il soit présent. Or, ce sont des choses qui arrivent dans certains couples. Et ce ne sont pas des « sans cœurs » pour autant! Ce sont simplement des gens qui ont choisi d’écouter leur cœur et d’en discuter entre eux afin de trouver la meilleure solution pour mettre tout le monde à l’aise (#compromis).
C’est pourquoi aujourd’hui, je t’invite à prendre cinq minutes pour te demander si, en-dehors de toute la pression que tu peux ressentir et en-dehors des craintes et des doutes que tu peux avoir, tu as sincèrement envie d’être physiquement présent le jour de l’accouchement, ou si tu as envie que ton conjoint(e) soit présent quand tu accoucheras.
Deuxième étape : déterminer ton rôle
As-tu envie d’être présent, mais seulement à l’extérieure de la chambre, car tu crains de voir ta conjointe vivre de la douleur et de te sentir trop impuissant, ou parce que tu crois que ce sera trop intense à certains moments, ou parce que tu crains que de voir un bébé sortir du vagin de ta blonde change trop ta façon de la percevoir (oui, je l’ai dit. Bon, personne n’ose le dire par peur de passer pour un sans cœur, mais reste que certains ont vraiment peur de ça, alors je le nomme à ta place)? Aimerais-tu être présent avec ta conjointe, dans la même pièce qu’elle, mais avec le support d’une accompagnante à la naissance (doula), comme moi, pour te guider et guider ta conjointe à chaque étape, en tout temps? Aimerais-tu être présent, seul à seul avec ta conjointe, pour toute la durée de l’accouchement, peu importe les circonstances? Es-tu prêt à faire face à n’importe quelle situation, en restant calme et confiant, pour soutenir ta blonde dans le chemin qu’elle doit parcourir? Dans quelle mesure te sens-tu à l’aise de participer à l’accouchement?
S’il y a bien une chose de certaine, c’est qu’il ne suffit pas de choisir entre « être présent » et « ne pas être présent » à l’accouchement. Entre ces deux options, il existe beaucoup de nuances. Il serait judicieux de réfléchir ensemble et de discuter de vos visions, qui peuvent être différentes.
Troisième étape : mobiliser tes forces
Il est toujours utile de connaître nos forces et nos faiblesses. C’est encore plus vrai en prévision de l’accouchement, tant pour la femme qui accouche que pour la personne qui l’accompagne. Pourquoi? Parce qu’il faut mobiliser nos forces et éviter nos faiblesses au maximum. Connaître nos limites et savoir s’arrêter quand ça nous dépasse. Et encore plus important, connaître et respecter les forces et les faiblesses de notre compagnon.
Comparons l’accouchement à un combat (l’accouchement n’est pas un combat, cela dit, mais comparons-la tout de même pour les besoins de mon explication). Une bonne armée, c’est une armée qui connaît ses propres forces et qui s’en sert. Une bonne armée est une armée qui connaît ses faiblesses et qui sait les retourner à son avantage. Une bonne armée, c’est une armée qui connaît bien son ennemi, qui cible ses forces pour les détruire et qui utilise ses faiblesses pour le mener à sa perte.
Ma comparaison avec l’armée s’arrête ici. Vous comprenez maintenant comment mener une belle bataille.
Voici quelques forces que peut avoir le partenaire pour l’accouchement (liste non exhaustive, je vous encourage à l’enrichir de vos propres idées)* :
- Il a l’habitude de partager l’intimité de sa conjointe. Elle est à l’aise avec lui;
- Il peut soutenir et réconforter, ne serait-ce que par son amour et sa présence;
- Il a assisté aux cours prénataux avec sa conjointe et peut utiliser ces notions à son avantage;
- Il peut aider à prendre des décisions importantes pendant l’accouchement;
- Il connaît les besoins et les désirs de sa conjointe par rapport à cet accouchement;
- C’est lui qui aidera à prendre soin du bébé après la naissance;
- Il est là avant tout pour aider sa blonde, et non pour son bénéfice personnel;
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Voici maintenant quelques faiblesses que peut avoir le partenaire pendant l’accouchement (encore une liste non exhaustive)*:
- Il sera lui aussi emporté par des sentiments/émotions très intenses : impuissance, peurs, anticipation, vulnérabilité, sympathie, etc.);
- Il peut être tenté d’influencer le déroulement de l’accouchement en fonction de ses valeurs et de ses priorités;
- Il peut se sentir intimidé face à l’autorité médicale (syndrome de la blouse blanche);
- Il peut manquer de confiance en ses capacités à aider sa conjointe;
- Il peut, devant l’intensité d’un accouchement, douter que sa conjointe puisse « passer au travers »;
- Il peut être mal à l’aise et entraver le lâcher-prise nécessaire à la femme qui accouche (elle peut se retenir de faire certaines choses par peur de se faire juger, comme gémir, par exemple, ou crier);
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* À noter que j’utilise le « il » pour parler du conjoint, mais que ça inclut implicitement un « elle » si le futur papa est en réalité une deuxième maman)
Quatrième étape : connaître les outils disponibles
Le premier outil et le plus important, je ne le répéterai jamais assez, est l’éducation. Il serait bien simple de croire que les papas n’ont pas besoin d’assister aux cours prénataux car, dit-on, on n’y apprend qu’à « respirer en petit chien » ou à « changer des couches ». Pour avoir moi-même donné des cours prénataux, en privé et en semi-privé, je vous assure que personne n’est jamais sortit de mes cours indifférent. Les gens sont toujours étonnés de voir à quel point ils ont appris des choses essentielles qui ont changé leur façon de percevoir la grossesse, la naissance, la vie avec un bébé, etc.
Je n’ai jamais assisté aux cours donnés en CLSC, en cliniques ou par des organismes communautaires, mais j’ose espérer qu’ils n’enseignent pas non plus de « respiration en petit chien » ou d’autres futilités du genre. J’ose espérer qu’ils prennent le temps d’expliquer concrètement tout ce qui est utile aux futurs parents. Il y a tellement de choses indispensables à savoir!
Pour connaître tous les outils, naturels ou non, pour gérer la douleur de l’accouchement (points de pression, péridurale, hypnose, gaz hilarant, massages, bloc honteux, papules d’eau stérile, positions, visualisation, etc.), je vous recommande mon atelier de 2h qui s’appelle « Atelier Douleur & Accouchement », que j’offre à Laval, à Terrebonne et bientôt à Montréal. Pour être au courant des prochaines dates et connaître toutes les infos à ce sujet, consultez ma page Facebook
Cinquième et dernière étape : faire un « plan de match » à deux
Il n’y a rien de magique : il va falloir que vous et votre partenaire vous parliez. Vous pourrez (et je le recommande fortement) faire un plan de naissance ensemble. Que vous apportiez ou pas ce plan de naissance le jour J, que vous le donniez aux infirmières et aux médecins ou pas, que ceux-ci le lisent ou pas, ce n’est, à mon avis, pas le plus important. Le plus important, c’est que vous ayez pris le temps de réfléchir à toutes les interventions de routine que votre lieu de naissance vous impose, et que vous ayez pris le temps de déterminer si ce sont des interventions avec lesquels vous êtes à l’aise ou pas. Vous devez prendre le temps de décortiquer chaque étape de ce qui est à venir et de faire des choix éclairés pour chacune des interventions possibles.
Prenez le temps, ensemble, de vous éduquer sur les avantages et les inconvénients de toutes ces interventions, afin de vous y préparer, car on ne sait jamais comment un accouchement se déroulera. C’est seulement quand on connaît réellement les avantages, les inconvénients et les ALTERNATIVES d’une intervention qu’on est en mesure de faire un choix ÉCLAIRÉ. Refusez qu’on vous infantilise et exigez toujours qu’on prenne le temps de vous expliquer calmement, objectivement et clairement ce qu’on vous propose.
Même si, au final, votre plan de naissance n’est pas respecté à la lettre le jour de l’accouchement, vous aurez au moins l’avantage d’avoir réfléchi, de vous être positionnés et de savoir de quoi vous parlez, ce qui évitera que le personnel médical tente de vous en « passer de petites vites ».
En plus, si vous pensiez que le papa n’avait pas besoin d’être autant informé que sa blonde sur ces sujets-là, laissez-moi vous détromper. Votre blonde, le jour de son accouchement, ne sera définitivement pas en position pour faire respecter son plan de naissance, ni pour argumenter, ni pour réfléchir aux pours et aux contres des interventions proposées. Elle sera beaucoup trop occupée à accoucher, justement. Et ce sera une tâche amplement suffisante. Ce sera donc à vous, et à votre accompagnante à la naissance si vous en avez une, de faire respecter vos choix, vos besoins, vos demandes, etc. Ce sera à vous de questionner, d’argumenter, de négocier. Et il faut être préparé pour faire ça.
Si vous ne savez pas très bien comment rédiger un plan de naissance, que vous ne savez pas quoi y inclure, que vous vous sentez un peu novices en la matière, alors engagez une accompagnante à la naissance (doula) rien que pour qu’elle vous guide sur ce sujet. Les accompagnantes ne font pas que proposer leur soutien pendant l’accouchement, elles sont aussi formées pour donner des cours prénataux personnalisés et elles ont de l’expérience avec plusieurs types d’accouchement. Vous pouvez en engager une seulement pour rédiger un plan de naissance avec ses conseils et ses explications, sans avoir besoin qu’elle vienne à votre accouchement nécessairement. Ça ne coûte pas grand-chose (une trentaine de dollars de l’heure dans mon cas), et vous serez extrêmement surpris de tout ce qu’elle peut vous apprendre en si peu de temps, même si ce n’est pas votre premier enfant, et même si vous avez suivi des cours prénataux déjà.
Pour en revenir à l’essentiel
En fin de compte, l’essentiel n’est pas d’être présent pendant l’accouchement, ni d’être parfait, ni de suivre à la lettre le plan de naissance comme s’il était « coulé dans le béton ». L’essentiel, c’est d’avoir CHOISI. Choisi d’être présent, ou choisi de ne pas l’être. Choisi d’avoir une péridurale ou choisi de ne pas en avoir une. Choisi d’accoucher en position accroupie, ou choisi d’accoucher en position gynécologique, ou choisi d’accoucher dans n’importe quelle autre position. Et quand je dis « choisir », je veux dire « choisir en toute connaissance de cause, sans pression, sans menaces, sans se sentir intimidé, etc. ». Pas « choisir de faire comme le médecin dit alors qu’il laisse entendre que si on ne le fait pas il pourrait y avoir de graves conséquences (sans qu’on sache trop de quelles conséquences il parle et sans qu’il nous dise également les conséquences de l’intervention qu’il nous propose), et alors qu’il nous fixe en attendant notre réponse, et alors qu’il est entouré de deux autres médecins et de quelques infirmières qui eux aussi attendent notre décision, etc. » Bref, mon conseil, c’est : reprenez confiance en vos moyens. Vous êtes les meilleurs pour faire ça.
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