Pour la lecture du texte, co-dodo, c’est le partage de la chambre.
Mon grand va souffler sept chandelles en décembre. Mon premier enfant, mon fils rêveur aux yeux vert-de-gris, mon picoté maigrichon. Première année débutée en lion, déjà, il porte les pantalons plus bas, les souliers plus larges, et il répond à son père. Un tit-gars des années modernes. Indépendant, fier, autonome. Et pourtant, mon oisillon, ça ne fait que deux mois qu’il est sorti du nid…
Faisons un retour en arrière…
En 2007, j’étais enceinte de mon garçon, et tout laissait présager que le premier bébé naissant que je tiendrais dans mes bras serait le mien. Telle était l’étendue de mes connaissances en puériculture. Un gros zéro pis une barre. À sa naissance, comme il n’y avait pas de manuel d’instruction rattaché au placenta, j’ai poursuivi dans ma découverte de la maternité. Déviergée de mon ignorance à coups d’informations médicales, de vécus personnels, de mythes dénaturés d’une culture approximative. On m’a dit de ne pas trop prendre mon nourrisson. De ne pas en faire un bébé à mauvaises habitudes.
Après trois mois de co-dodo dans son moïse, il a transité vers la bassinette. Dans sa chambre, décorée de moutons crémeux sur des collines verdoyantes. Un paradis de douceur pour ce petit trésor. Puis, les dodos ne suivant pas les standards collectifs, on a enclenché sur une autre vitesse: l’entraînement au sommeil. J’ai écorché mon coeur de mère sur les cris de mon fils éploré. Qui a dormi. Qui a compris. Qui devait, à mon sens, être rassuré, dans cet oasis de laine de moutons joyeux.
Puis, un autre ventre, une autre vie. Une brise à odeur de fraisinette. Mon fils est devenu frère à 14 mois. Entretemps, un déménagement avait ralenti mes ardeurs au dressage. Mais là, petite soeur oblige, mon grand, tu dois réapprendre à faire dodo. Dans ton lit, dans une autre chambre de collines verdoyantes. Sans moutons, pas le temps de décorer. Où dans tes pleurs, tu cries « maman ». Où mes pieds foulent tes flaques de larmes. Et c’est là que je me suis dit… plus jamais.
J’ai découvert le co-dodo en side-car avec le Dr. William Sears.
Ce fût une révélation spectaculaire! En quelques semaines, nous avons réaménagé la chambre – notre chambre – en dortoir à bébé. On avait un lit avec des oreilles de Mickey Mouse, on pratiquait le dodo Disney. Retour de mon grand bébé dans notre chambre… Pour nous, parents un peu bousculés dans notre culturel acquis, on a trouvé notre pied dans l’apaisement de nos craintes pour notre garçon asthmatique, pour notre bébé fille qui faisait du reflux gastro-oesophagien, pour surveiller la fièvre sans se lever debout. Et plus. On a adopté le co-dodo comme un troisième enfant. Celui qui est la crazy glue qui tient tout ce monde-là ensemble.
Évidemment, on a essuyé des remarques, des questions, des inquiétudes. J’ai eu des discussions avec des amis, des proches, des parents, et des connaissances, qui sont allés aussi loin que de me demander si mon homme se sentait « homme » de vivre dans une situation pareille! Je me suis fait dire des choses qui frôlaient l’abominable, avec le poids de toutes les générations de « bébés qui ne sont pas morts » de ne pas dormir avec leurs parents qui venait écraser mes convictions. Si moi-même m’ajuster à cet arrangement de nuit a été une épopée, m’adapter aux gens et leurs questions – justifiées, pour la plupart, mais inappropriées et indélicates chez certains – est encore un work in progress.
La phrase qui m’a souvent sauvé d’une prolongation d’un match de mots qui ne menaient à rien était « Je suis prête à assumer les conséquences. ». Réponse digne d’un tir de barrage Canadiens-Flyers (sorry, Dad.). Voilà, maintenant, ne restait plus qu’à attendre. Attendre que le jour vienne, où, me promettait-on dans les livres et sites faisant l’apologie du co-dodo, que mon enfant choisisse de lui-même de quitter la chambre, et d’aller faire sa nuit ailleurs. En blague, je répondais que mon aîné quitterait ma chambre, promis, avant d’aller au bal des finissants, mais en moi, l’inquiétude était tenace. Aurait-il, mon bébé, un jour une épiphanie?
L’entrée en maternelle s’est déroulée comme un charme.
La première journée, je m’en suis même donné, en vrai, une tape dans le dos. Est-ce notre fils, ce confiant enfant à qui on doit rappeler de saluer ses parents avant d’aller découvrir le monde de l’apprentissage? Celui à qui les prophètes sociaux avaient prédit un avenir de squatteur de jupes de sa mère? Confiant, certes, mais toujours dans son lit superposé, dans notre chambre, à ronfler gaiement.
La maternelle s’est terminée, et l’été a, comme toujours, fait mine de rester, trop occupé à faire chaud ailleurs qu’au Québec. Au retour des vacances familiales, mon fils me droppe la bombe que je n’attends plus. « Maman, j’aimerais ça faire dodo dans une chambre à moi… ». Immense sourire de la mère pétant de fierté, ben oui mon loup, on va te déménager ça, ces pénates-là! Exit le fils qui va somnanbuler ailleurs. La boucle est maintenant bouclée.
J’étais fière d’avoir terminé le cycle avec lui, de le voir s’éloigner de moi avec confiance et détermination, en suivant son rythme, son besoin, ses envies. Il refuse maintenant de revenir avec nous, malgré les peurs, les tristesses. Mon grand de pas-encore-sept-ans se gère tout seul. Accepte de se faire border, mais ne revient plus vers nous. Et là, du coup, je m’ennuie. Je voudrais rattraper ma progéniture qui me fuit à la course, alors qu’au départ, je croyais devoir sprinter vers l’arrivée. Mais je le vois, il est là. Il est qui il est, heureux, fier, sachant qu’il a deux parents inconditionnellement prêts à l’attraper, l’accueillir. Des parents prêts à faire des erreurs et à mieux recommencer. Et aujourd’hui, je voulais vous dire, gens qui parentalisez de façon alternative, il y a véritablement une lumière au bout de la nuit, une finalité qui conclut en beauté, où vous aussi serez ému d’avoir ramé à l’envers dans votre radeau de moutons noirs.
Marie-Ève 🙂
Joanie dit
Marie-Ève, te lire me fait tellement du bien! Les jugements sont difficiles à entendre et nécessairement on se met à douter de nos propres choix en tant que parents, mais au fond, on fait ce qu’on pense le mieux pour notre enfant. Ton garçon est chanceux d’avoir une maman qui s’assume!!!
Marie-Eve Sturrock dit
Joanie, merci de ton beau message 🙂
Écrire ceci a été une expiation incroyable.
Mon grand est le frère de deux soeurs et un bébé frère de 17 mois, qui dort entre nous, sa main potelée reposée sur notre cou. Ses petites cuisses rondes sont une doudou pour maman 🙂
Geneviève dit
Que c’est bien écrit et touchant comme texte.
Si rare qu’on entende de si beaux témoignages remplie d’humilité, de vérité et d’amour.
Ici dormir avec notre cocotte est un réel plaisir. On est une famille des plus heureuses.
Je me sens moins seule pour vraie!!
Merci
Marie-Eve Sturrock dit
S’assumer, le travail d’une vie 🙂
Profites de ces moments, ils sont plus précieux que tous les trésors de la terre 🙂
Amelie dit
Merci mille fois! Tellement reconfortant! Je sens le souffle de ma cocotte couchee au creux de mes bras en vous ecrivant ces quelques mots… Pour ma part, je sens cette pression sociale d’un cote et de l’autre quelque chose qui mempeche d’y mettre fin parce que je vis des moments extraordinaires qui rendent ma vie encore plus belle…
Marie-Eve Sturrock dit
Merci à toi, vos commentaires chaleureux cimentent ma certitude qu’on est une gang de moutons noirs qui ne la trouvent pas facile!
En tout temps, si tu doutes et que les gens t’oppressent, sache que je te fais un high five: toi pis moi contre la bunch!
Danielle dit
C’est un très beau texte et je suis contente de voir que le co-dodo a marché à long terme pour ta famille. Par contre, je me permets d’ajouter un commentaire pour informer les autres mamans qui lisent ceci: il y a d’autres options entre laisser pleurer le bébé et le co-dodo. Il y a plusieurs méthodes douces et bienveillantes où l’on peut habituer son bébé à dormir seul dans son lit sans jamais le laisser pleurer. (Voir par exemple le livre du sommeil sans pleurs de E. Pantley.)
Andrée-Anne dit
Je suis tout à fait d’accord! C’est un très beau texte d’une magnifique expérience personnelle! De notre côté, après 3 mois de vie, c’est lorsque j’ai sorti mon petit chaton de notre chambre que nous avons tous commencé à mieux dormir. Lorsqu’il se réveillait, j’allais prendre soin de lui, je le réconfortait et il parvenait à se rendormir tout seul (presque) sans pleurs. Je n’aurais pas supporté de le laisser pleurer des heures durant sans intervenir! En fait, nous avons tous mieux dormi car maman ronflait comme un tracteur et se réveillait au moindre couinement, je crois que mutuellement, on se dérangeait car lui aussi se réveillait beaucoup plus souvent qu’après l’avoir transféré… Peut-être aussi sentait’il mon anxiété à vouloir »trop bien faire!? » (ou trop dormir!!!)
Bref, un beau texte inspirant, et je vais certainement faire quelque mois de co-dodo avec mon prochain en route! On verra comment ça ira! parce qu’en fait, mon p’tit chaton est maintenant incapable de dormir en compagnie de quiconque!!! (14 mois) J’en déduit que la perfection n’existe pas! 😛
Delphine dit
je découvre votre blog avec cet article depuis un partage Facebook
Tout est dit, c’est un texte magnifique qui donne confiance, qui rend espoir. Je n’ai pas cododoté avec ma première fille, trop engluée que j’étais dans les principes d’une société qui le déconseille… Je suis enceinte et je me suis libérée de ce carcan de fausses idées alors vos mots sont réconfortants
Merci
Babe Vaillancourt dit
Les animaux font dodo avec leur bébé collé, c'est avec la bourgeoisie que les chambres séparées sont arrivées, quand la nounou s'occupait des enfants la nuit…C'est juste naturel, pleins de peuples dorment ensembles. C'est bien de suivre sont "feeling".
Dodo dit
M E R C I
Juste… merci !
stephanie dit
C tellement bien ecris.je cododotte avec ma 2eme fille comme je l avais fais avec la 1ere qui a 3ans et la petite 16 mois qui est dans notre lit entre mon compagnon et moi.elle ont toutes les 2 ressenti l angoisse de la separation des qu elle ne me voyaient plus et le lit a barreaux etait comme une prison pour elles.
Imen dit
Bonjour, je me retrouve dans votre récit:
Mon bébé a deux ans et deux mois et on fait du co-dodo (Même lit pour nous) et parfois on se partage les nuits (une pour moi et une pour le papa) pour pourvoir parfois avoir des nuits complètes de sommeil car on travaille tous les deux. Mon bébé n’a jamais aimé dormir tt seul et du coup il nous a imposé le co-dodo au début on était tous les deux contre mais après c’est tellement de joie qu’on partageais surtout les câlins matinaux. Juste le fait de l’entendre chuchoter ‘Mamma’ me fait oublier que parfois je manque de sommeil car il bouge trop. J’adore le sentir tt proche, sentir son haleine et l’entendre respirer. Papa et moi adorons le voir regarder c’est un bonheur immense pour moi de l voir ainsi dormir tt près.
Forcement il dormira un jour dans sa chambre mais pour le moment on adore partager notre lit.
Chacun a ses propres choix, assumons les.