Je commence à sentir les sensations de la naissance qui voyagent dans tout mon corps et mon cœur.
Je suis prête, j’avais si hâte. Mais j’ai aussi un peu peur : par moments, je me sens menacée par tout cet inconnu qui m’attend, à d’autres instants, c’est tout paisible et mon bébé me rappelle qu’on forme une équipe par ses petits coups et ses grands frottements…
Aimez-moi, laissez-moi le temps d’apprendre à respirer longuement et à accueillir ces vagues qui me transportent de plus en plus loin… Aimez-moi en restant calmes, juste assez proches, sans me poser de questions… suivez-moi.
Aimez-moi, ça monte de plus en plus haut
J’ai un peu plus besoin de vous, autour de moi. Je cherche ce qui me fait du bien, je trouve… Aimez-moi en me laissant libre, en assurant mon confort, en respectant mon silence pendant mes contractions et en le poursuivant entre chacune, à moins que je n’en sorte moi-même.
Aimez-moi, en mettant du calme dans vos mains pour me rappeler que mes pauses sont belles, que mon corps sait quoi faire. Mettez du mou autour de moi, de l’eau chaude, de l’eau froide, que tout soit douillet, lent, discret.
Aimez-moi en acceptant que je suis, juste pour aujourd’hui, une maman mammifère qui cherche son petit coin juste assez loin, juste assez noir, pour que se passe la naissance de mon petit bébé. Ne soyez pas nombreux, ne soyez pas bruyants, ayez confiance. Je ne peux plus vous rassurer. Mes antennes sont si sensibles… Si vous avez peur, je le sens. Si vous êtes pressés, je le sais. Et de le savoir, ça fait espacer mes contractions, et j’ai plus mal… Aimez-moi en me donnant le droit de rester dans ma belle bulle chaude. Soyez ma sécurité.
Et puis, ça continue, comme l’océan qui jamais ne s’arrête de rouler, mon corps s’ouvre et moi je voyage… j’avais trouvé, mais à cet instant, c’est si puissant, trop, j’ai peur!
Je ne veux plus, je donnerais tout pour dormir, c’est trop! Je vous cherche, j’ai besoin de vos regards pour me dire que je peux le faire. Aimez-moi, rassurez-moi, dites-moi que je le fais bien. Je sens l’animal en moi qui exige de prendre toute la place, qui veut rugir, bouger, mener la danse. Aimez-moi là aussi, dans cette animalité à qui je n’ai jamais vraiment permis d’être.
Je sens mon bébé qui descend et grâce à lui j’ai envie de pousser, c’est tout ce que je veux… Mais j’ai peur! Je ne veux plus vraiment sentir mon vagin s’étirer et ma peau, ma précieuse peau, qui brûle… Aimez-moi, laissez-moi le temps d’accepter que mon bébé naîtra vraiment, par là, ne craignez rien, mon corps bouge, souffle, pousse, mes yeux fermés me permettent de me centrer et d’accompagner mon bébé qui veut naître. Aimez-moi dans la confiance que ce que je fais est bien, aimez-moi sans me parler. J’accepte, tranquillement. Je désire tant le prendre contre mon sein, j’ai si hâte d’être confortable. Mais avant, avant de plonger… Mon amoureux, on est prêts ? Tu seras là, on le fait ensemble?
Et la voilà, cette grande brûlure du passage, mes tissus qui s’étirent dans toute leur compétence, j’ai peine à y croire, mon bébé glisse hors de sa maison, mon corps…
Aimez-moi. Je garde les yeux fermés un instant car j’ai besoin de m’assurer que je vais bien, je me rassemble et me rassure et intègre cette tempête. Laissez-moi le faire, j’en ai besoin pour pouvoir ensuite me tourner vers mon bébé et commencer à le rencontrer.
Nous sommes une famille, aimez-nous, laissez-nous nous parler juste entre nous, rire, pleurer, nous aimer. Laissez-nous notre chaleur, notre couleur. Ainsi, mon corps libèrera le placenta et la naissance sera terminée.
Aimez-nous aussi en nous laissant tâtonner dans les gestes de petits soins, d’allaitement…
Laissez-nous essayer, explorer, apprendre. Aimez-nous dans nos moments de repos, d’alimentation, de contemplation, de caresses. Aimez-nous dans nos différences, dans ce que notre instinct de parent nous dictera.
Pascale dit
wow. Larmes aux yeux!! Respect.
Sabine dit
C’est beau et touchant. Merci!
Mailis dit
J’ai les larmes aux yeux de souvenirs si doux.
Karine dit
Magnifique!