Un accouchement, ça ne se planifie pas. Je ne peux pas faire un stop sur ma vie, laisser mes enfants seuls, mes clients décompensés, et tout mon petit monde autour de moi, car bébé a décidé qu’aujourd’hui, c’était le jour J. Vous savez comment la vie est bien faite toutefois. Dalia a vu le jour un mercredi aux petites aurores, alors que je n’avais pas mes enfants et que je commençais le travail à 11 heures. Elle n’aurait pas pu mieux choisir son moment. C’était écrit, je devais être là. Ce mardi-là, j’ai reçu un texto en soirée : « J’ai des contractions assez fortes qui ne partent pas avec le bain, je suis en vrai travail. » J’étais tellement excitée, je n’arrivais pas à dormir. C’était comme si c’est moi qui allais accoucher. J’ai finalement réussi à m’endormir, il devait être minuit passé. Vers 3 heures du matin, j’ai reçu un téléphone : elle venait de perdre ses eaux! Cette expérience m’a fait beaucoup réfléchir sur le métier de sage-femme. Elles vivent au quotidien un peu de ce que j’ai vécu cette nuit-là.
Une grande pièce qui sert habituellement de salle de jeux. Un mur tapissé d’un chemin boisé avec une lumière au bout. Des lumières de couleurs suspendues au plafond. Une piscine de naissance, ainsi qu’un lit double. Le cocon est prêt. Elle est debout, seulement les seins habillés, décontractée, souriante, ricaneuse, mais surtout, d’une zénitude inimaginable.
Il y a une chaleur dans cette pièce, une chaleur humaine. Les contractions sont distancées. Elle ferme les yeux, enveloppe son ventre de ses mains et respire. Les sages-femmes arrivent une derrière l’autre. Il est 4 heures du matin, et c’est comme s’il était 4 heures l’après-midi, nous sommes bien éveillées et surtout remplies d’hormones. Avez-vous déjà lu sur les hormones de l’accouchement? L’ocytocine, l’adrénaline et l’endorphine entre autre… Elles ont un rôle indispensable. L’ocytocine est si puissante que nous pouvons voir les joues du papa devenir rouges lors de la naissance.
Les sages-femmes sont 4, dont une étudiante, cette dernière vient écouter le cœur du bébé régulièrement et elle repart à la cuisine avec les autres. Tout le travail se fait entre elle et son conjoint. C’est leur bulle, mais en arrière-plan, il y a moi qui a un sourire accroché aux lèvres, petites lèvres qui tremblotent un peu je dois dire. Je prends des clichés d’une femme en douleur. J’essaie de ressentir sa douleur et d’immortaliser tout ce travail. Elle est si forte, elle ne crie pas, elle gémit à peine. On lui apporte de l’eau régulièrement. Son conjoint est comme une petite abeille, il va et vient avec de l’eau chaude pour remplir la piscine. Comme beaucoup de papas, il est dans l’action. Mais il s’arrête aussi et caresse sa femme, il la prend dans ses bras et lui chuchote des mots doux. Il ne la contrarie pas et fait ce qu’elle lui demande. Elle est en train de mettre au monde leur progéniture et il agit avec honneur devant ce magnifique moment.
Son 1er petit miracle se réveille, il est passé 6 heures. Elle voit sa maman dans la piscine et veut la rejoindre. Vous savez ce que je me dis? Ça ne ressemble en rien à mes accouchements. C’est une nuit spéciale où tout le monde est éveillé et prépare l’arrivée d’un petit être dans le confort de leur maison. Sans bousculer la routine de personne, juste intégrer cet événement majeur dans le quotidien. Camellia, la grande sœur, va dans la piscine rejoindre maman qui gère ses contractions sans même que sa petite remarque ce qui se passe. Elle lui murmure : «Tu sais ce qui arrive Camellia? Ta petite sœur s’en vient.» Si simple, sans «fla-fla», si naturel. Papa poursuit ensuite la routine avec Camellia qui passe au salon pour son déjeuner et ses petites activités habituelles.
Il n’y a pas de toucher pour voir si elle est prête à pousser. La sage-femme s’en remet complétement à la maman. Un ballon sur le lit, notre héroïne à quatre pattes, position où elle se sent bien pour donner la vie. La douleur est belle. Une odeur unique, une chaleur démesurée, de l’émotion palpable et de l’intensité telle que l’on voit flou. Je me sens engourdie. Je n’ai aucune idée depuis combien de temps elle est comme ça. Je n’ai plus conscience du temps. Le petit miracle ne nous avertie pas. Sans cri, sans pleurs, comme un bouchon de bouteille qui pop, «sploush!», on ne sait pas quand, mais on sait que ça vient.
Papa l’attrape, les sages-femmes se rapprochent, notre héroïne s’accroupie et rencontre son petit miracle rempli de vernix et si silencieuse. Une larme coule sur sa joue et son sourire fend ses joues. Elle demande pour Camellia. Une rencontre extraordinaire dans le flot de la routine quotidienne. Voilà ma fille, je viens de donner la vie et tu es maintenant une grande sœur! Une douceur et un bonheur contagieux se propagent, le temps s’est arrêté, une petite fille est née. La vie reprend son cours, il y a rupture du cordon par papa, ce qui permet à maman de nourrir son petit miracle.
Elle est là, si minuscule, calme et bien en vie. La nature est grandiose et la beauté de donner la vie est un miracle si phénoménal. Je sens si bien mon cœur et mes membres, j’ai les joues rouges moi aussi. Je suis en totale admiration pour cette maman qui a donné la vie d’un petit miracle chez soi. C’est comme s’il y avait eu une douce tempête dans cette pièce durant quelques heures et que maintenant, le calme était revenu.
Je suis qui je suis, vous irez lire ma présentation, mais je ne suis pas une photographe professionnelle, je ne suis pas une sage-femme et je ne suis pas la meilleure amie de cette femme ou devrais-je dire de cette héroïne. Pourtant, lors des deux moments les plus importants de sa vie, elle m’a demandé (à moi!) de photographier ses deux accouchements. Je ne peux exprimer comment cette confiance me touche. Le hasard (ou pas) a fait que nos chemins se sont croisés. Merci spécial à Cynthia, Julien, Camellia et Dalia. Ces souvenirs font partie des plus belles expériences de ma vie!
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