Séjour Hospitalier après l’accouchement : de la délicatesse, au nom de l’attachement
La naissance d’un bébé humain, c’est comme quand naissent les bébés minous; nous sommes des mamans chattes; on a besoin d’être tranquilles et chouchoutées.
Posons d’abord un premier constat;
La naissance, comme toutes les facettes de notre vie en société en occident, n’a pas échappé à l’industrialisation. On a tout mis en série; les tomates, les voitures et les accouchements. On a cherché à tout contrôler, qui plus est si on n’était pas certain de pouvoir le faire. On a bien cru y arriver, d’ailleurs. On a développé des pratiques d’hygiène, des techniques et des produits pouvant corriger des situations particulièrement anormales qui autrement mettraient la sécurité des mères-bébés en danger.
Reste un petit dossier pas tout-à-fait réglé;
Vous savez comme moi qu’on n’est ABSOLUMENT pas certain de pouvoir contrôler un accouchement. Jamais. La réalité, c’est que la vie ça ne se contrôle pas; elle se régule elle-même et s’assure bien de se garder des zones de mystère. Devant cette impossibilité de contrôle ( qui nous insécurise, voire nous terrifie), on met le paquet; on cherche à comprendre, décrire, mesurer, peser, quantifier, calculer, prévoir, accélérer, faciliter, mettre la naissance dans des cases et des graphiques. On réduit notre vision, on s’approche, on observe, on questionne plus…et on ne voit plus que les chiffres, difficilement les individus. Et plus on le fait et moins ça le fait, il me semble. Car elle est timide, la naissance. Elle fout les égos en miettes. Elle ne se donne pas en spectacle et exige un environnement intime, sécuritaire et aimant pour son bon déroulement.
Elle se passe, bien, vite ou moins, quand on s’éloigne. Quand on respecte. Quand on fait silence et qu’on reste vigileant et prêt à aider en cas de besoin. Ça, dans notre vision de « civilisés », on l’a un peu oublié.
Même besoins pour la mise en route de l’allaitement; même besoins pour l’établissement du lien d’attachement entre les parents et leur bébé. Parce qu’avec la conception, ces étapes ne sont que des éléments d’un processus, d’un système, celui de la reproduction humaine. Y répondre, c’est favoriser le processus. Ne pas y répondre, c’est nuire. Et « d’abord, ne pas nuire. »
Comme quand naissent les bébés minous.
Après l’accouchement, nous sommes des mamans chattes; on a besoin d’être tranquilles et chouchoutées.
Dans les unités de naissance des hôpitaux québécois, généralement un temps est passé dans la chambre de naissance ( entre 45min et 3 heures, c’est selon) une fois le bébé né, après quoi on déménage nos pénates dans la chambre de séjour post-partum. Certains centres offrent des chambres aménagées que les parents ne quitteront pas pour le séjour post-partum. Séjour qui durera entre 24h et 4 jours généralement, selon le déroulement de l’accouchement, l’état du bébé, de la mère, la mise en route de l’allaitement et les désirs des parents.
C’est une période extrêmement sensible. Ce sont des heures de récupération, d ‘intégration, d’adaptation.
Des heures particulièrement délicates.
« Qui est sensible aux agents physiques, aux moindres agressions extérieures ; fragile, frêle » ( Larousse) Et de délicatesse nous avons besoin. : « Attention délicate envers quelqu’un »; « D’une finesse propre à satisfaire quelqu’un dont le goût est exigeant, raffiné, recherché, sensible aux nuances ». Façon d’agir de quelqu’un « qui manifeste du tact, le désir d’être agréable et qui témoigne d’une grande sensibilité, d’une grande finesse de sentiments ; scrupuleux » ( Larousse)
Ce qui se passe :
Physiquement, le corps de la mère commence à se remettre de l’expérience qu’il a vécue; il s’est ouvert, du bassin, du vagin, du périnée, de l’abdomen. Et/ou. Mais toujours, il s’est ouvert pour laisser naître son bébé. Il a souvent manqué de sommeil. Il vit d’énormes changements hormonaux; la grossesse est terminée et il prépare son lait.
Psychiquement, la femme a laissé passer son bébé; elle s’en est séparée et l’a rencontré. Elle est devenue mère, l’homme est devenu père, et ajoutez à ça toutes les variantes que vous voulez si vous voulez. Les parents sentent la responsabilité nouvelle qui leur incombe. Ils apprennent à mettre les besoins d’un autre avant les leurs. Ils apprennent et s’adaptent incroyablement rapidement.
Un lien unique se tisse entre le bébé et ses parents. Un lien primordial, fondateur, qui influera la vie de tous les acteurs; de lui dépendra le développement de cet enfant, sa perception de lui-même, son mode de fonctionnement, ses relations futures, sa confiance en lui et en la vie. Un lien qui peut toujours se retricoter, se solidifier. Parce qu’on a des cerveaux très évolués; chez certains animaux, ce lien ne se re-tisse pas si les premiers moments suivant la naissance sont perturbés. On peut et on doit favoriser ce lien quand on est conscient de son importance; le lien d’attachement.
Oh, juste ça.
Oui. Juste ça. Et ça, c’est un trésor qu’il faut polir et garder au chaud dans un écrin de soie. C’est un trésor délicat.
Comme quand naissent les bébés minous.
Après l’accouchement, comme quand naissent les bébés minous.
Vous avez peut-être vu passer cet article portant sur un commentaire de chercheuses de l’Université McGill sur une étude américaine datant de 2014* qui avance que « …les mères subissent 53 entrées dans leur chambre en 12 heures à la maternité. Une source de stress, de mauvais sommeil, et une gêne pour l’allaitement. Les effets possibles sur la santé varient, allant d’une fonction immunitaire affaiblie, à des problèmes cardio-vasculaires liés au stress ou encore des problèmes de santé mentale post-partum ».
Il est important de se rappeler que quelques heures, quelques jours après la naissance, on est encore dans l’accouchement. La vie normale, celle dans laquelle on peut planifier, se mettre un personnage dans le visage, il ne faut pas penser qu’on y est revenu. 24 heures après non-plus.
Quand on devient maman, on ne fait que ça. On absorbe, on assimile, on apprend, on dépose, on revisite, on s’adapte. On a besoin de concentration. On a besoin de repos. On a besoin de construire nos compétences. On a besoin de liberté. On a besoin d’apprendre. On a besoin de temps. On a besoin de support disponible. On a soif, on a faim. On est lents. C’est comme ça. Un pied dans la réalité, l’autre dans le rêve.
C’est si simple. C’est comme quand naissent les bébés minous.
Même si certaines équipes hospitalières et certains intervenants mettent en place une approche douce et respectueuse des besoins des familles durant ce séjour, dans notre monde industrialisé, on n’est pas toujours délicat. Et l’importance du bon vécu des familles n’est pas toujours considéré à sa juste valeur. Parce qu’accueillir, savoir être présent sans envahir, assurer une présence bienveillante qui permet l’autonomie et la croissance, accompagner, ce n’est pas exactement ce qu’on apprend dans notre monde. Ce n’est certes pas ainsi que sont enseignés les métiers de la naissance, exception faite de la pratique sages-femmes ( au Québec, à tout le moins). On doit donc revisiter notre conception du rôle des intervenants en post-partum immédiat.
De surveillants de paramètres et enseignants, nous devons devenir des gardiens du lien d’attachement, des pros de la délicatesse vigileante.
Comment?
Comme le suggèrent judicieusement les chercheuses de l’Université McGill , en aménageant des périodes de calme sur l’étage. Elles suggèrent, en après-midi, de « réduire l’éclairage, demander au personnel médical de n’entrer dans les chambres que pour les urgences et ne plus autoriser les visites à ces heures-là »**.
Comme parents, entourage et intervenants, nous pouvons aussi :
Répondre aux besoins de base de la mère : nourriture saine et eau à tout moment.
Respecter le rythme de sommeil des parents, qui sera calqué sur celui du bébé et non sur celui du département hospitalier; allaitement à l’éveil, dodo quand bébé dort.
Laisser le temps à la mère qui allaite et son bébé de s’explorer sans être observés.
Regrouper les tests et la surveillance. Tout en même temps, pas en plusieurs temps.
S’assurer que le père/partenaire/proche soit confortable et puisse bien dormir.
Informer les parents sur le sommeil partagé sécuritaire.
Garder les environs calmes et silencieux, même pendant la journée.
Respecter l’intimité de la famille.
Offrir un espace d’écoute pour permettre aux parents d’assimiler leur expérience.
Ce sont des aspects que les parents peuvent soulever lors des rencontres prénatales avec les équipes soignantes et mentionner dans leur plan de naissance. Il en va du sentiment de satisfaction des parents, de la mise en route de l’allaitement quand tel est le projet, et de la qualité du lien d’attachement entre les parents et leur bébé.
Nous somme des mamans-chattes; on a besoin d’être tranquilles et chouchoutés. C’est comme quand naissent les bébés minous.
*Room for improvement: noise on a maternity ward BMC Health Services Research 2014 Safina Adatia, Susan Law et Jeannie Haggerty
** http://www.mcgill.ca/channels/fr/news/silence-la-maternite-pour-la-sante-des-patients-241166
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