Hier, j’étais tranquille à la maison, regardant le vent ébrancher mes érables, les flocons qui coursaient à l’horizontale, à travers le vent de l’hiver. Pour citer une sage amie, je ne sais pas qui est l’imbécile qui a dit « Vive le vent d’hiver », mais il n’était clairement pas sur la route hier!
J’étais à la maison à coller mes enfants « pairs »; Deux et Quatre sont K.O. par une vilaine cochonnerie qui les transforme momentanément en phoques. Jappent mes enfants tandis qu’on égraine une série américaine sur Netflix. Une journée magnifique de farniente obligé. Et la tempête qui bat son plein dehors, tandis que nous comatosons notre quotidien.
Une journée comme ça, ça m’amène toujours à relativiser. Einstein en robe de chambre qui mouche des nez morveux. Je regarde la neige qui tombe dehors. Je pense à ces gens, pris dans un embouteillage à faire capoter les claustrophobes, qui se ramassent dans le décor. Qui sont pressés, qui sont stressés. Qui ne savent pas, ou ne savent plus, qu’il y a dans les autres voitures des enfants, des bébés. Des femmes enceintes.
L’hiver, pour moi, c’est la saison du low and slow.
Un beau principe de cuisine, où on fait mijoter des repas à basse température, pendant des heures, pour avoir un repas absolument savoureux. Mais le low and slow, je ne l’applique pas juste à mes repas. J’essaie de l’appliquer à ma vie, aussi.
À partir du moment où le gel couvre le sol, j’entre dans une torpeur profonde. Dès le moment où les centigrades avoisinent le zéro, et que l’habit de neige obligé décore mon entrée de maison, je deviens, aux yeux des autres sûrement, d’une lenteur abominable. Je coule comme de la mélasse. À l’image d’une averse de neige comme des grosses guimauves qui tombent du ciel, qui feutre le bruit ambiant.
J’adore l’hiver, mais je déteste me presser, l’hiver.
Je déteste presser mes enfants, l’hiver. J’en conviens, des fois, t’as pas le choix de les accélérer. De peser sur le gaz du ti-proutte qui brette parce que, là, ce matin, on est en retard pour un rendez-vous d’importance avec le souverain de la Guinée, mettons. Mais la plupart du temps, et je suis certaine que je ne suis pas la seule qui l’a constaté: les enfants ne vont pas plus vite quand on crie après. Ils ne s’exécutent pas mieux quand ils se font presser. Souvent, les zips s’emmêlent dans les fils des tuques, les mitaines se perdent dans un dédale d’accessoires d’hiver, et les bottes s’enfilent à l’envers. Ils stressent et ils suent dans leur suit d’hiver. Ils braillent, bavent et morvent. Ils ne vont pas plus vite, les 2-3 ans qui sont « Capab’ tout seul » et qu’on fait à leur place. Parce qu’ils vont trouver le moyen de faire le bacon frisé dans un pied carré d’espace d’entrée, peu importe la flaque de gadoue qui gît par terre.
Je le sais, parce que c’est de même chez nous, qu’on répète souvent les consignes machinalement, comme programmés à seriner les mêmes consignes sur le même ton. « Dépêche-toi… », « On s’habille, ma belle… », « Plus vite, mon grand… ». Je le vois dans les yeux de ma Deux qui cherche comment trouver plus vite sa tuque, qui regarde partout sans ne rien voir, que c’est le stress de se faire répéter d’accélérer qui fait qu’elle ne trouve plus rien. Je nous vois, son père et moi, lancer nos ordres sans même regarder où ils sont rendus. Sans avoir le temps d’être aidants et observateurs. Parce que pressés.
Je n’aime pas les voir partir le ventre plein d’une grosse boule. De les voir me donner un câlin à toute vitesse avec les yeux mouillés. « Grouille, tu vas manquer ton autobus!! ». Je n’aime pas non plus entendre le moteur de ma minivan gronder furieusement tandis que nous pesons sur l’accélérateur comme s’il était une fourmi à écraser. N’allant pas plus vite parce que nous ne sommes pas seuls sur la route. Je n’aime pas imaginer mes jointures blanchies autour du volant à rager contre… une paire de mitaines qu’il a refusé d’enfiler. Parce qu’il a cinq pas à faire pour embarquer dans la voiture. Il a raison de tenir son bout, le Un. Je déneige la van, le manteau grand ouvert, les mains nues. « Dépêche, attache-toi! On va être en retard! ».
Ouin pis.
Il y a des trucs pour arrêter de capoter le matin.
Faire les lunchs la veille. Les sacs de gardoche. Les vêtements choisis, sortis, prêts à l’emploi. Les repères horaires pour les enfants, les minuteries. Mais il y a aussi, des fois, accepter les « ouin, pis. ». Comme moi, du fond de ma campagne, j’essaie de faire comprendre à mon homme que si Un arrive à l’école avec une crotte de retard, parce qu’on a vingt minutes de voiture à faire à travers des routes rurales débordantes de neige… Ben, c’est pas grave, grave. L’hiver, c’est l’hiver. Y’é plus fort que ton père, l’hiver.
Low and slow. Prends ça cool, respire. Ramasse-toi pas dans le fossé (le vrai pis le métaphorique) parce que l’hiver te fait rusher, avec ses étapes supplémentaires frustrantes. Donne du positif à tes enfants, parce qu’ils vont se faire presser toute la journée pour aller plus vite. Accepte de perdre le contrôle… La vie est savoureuse quand on prend notre temps. Quand on laisse aller. Arrête de te crier après le matin, aussi. T’es hot, Mom. T’es belle pis tu l’as, l’affaire. Presse-toi juste quand ça vaut la peine. Le souverain de la Guinée, mettons.
Bonne Journée
Marie-Ève
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