V’là quelques semaines, j’ai vu ma docteure en urgence car j’ai atteint un point de non-retour; un gros manque de jugement de ma part, dû à mes engourdissements causés par ma médication.
Elle a entamé un sevrage express de mon anti-dépresseur. Le sevrage a été ressenti immédiatement : les nausées, les étourdissements, les nuits sans sommeil, le retour de l’appétit.
Pire que tout …. La perte d’engourdissement.
J’ai décidé de vous faire part d’une partie de ce processus pour la même raison pour laquelle j’ai toujours été très franche avec ma santé mentale : pour faire comprendre que nous ne sommes pas seuls. Pour normaliser. Pour expliquer.
Alors voici : 24 heures dans la tête d’une sevrée.
* * *
Je suis au travail, je surveille un bébé qui dort dans sa coquille. Il grogne, chigne. Je vais le bercer doucement, il se rendort. J’attrape mon café et retourne le bercer, une jambe appuyée sur le muret, et je me dévisage dans le miroir. De cet angle, je vois ma graisse débordée de partout; hanches, cuisse, bras. Bedaine. Je suis énorme. Je me détaille, la larme à l’œil, sans jamais me regarder en pleine face. Peine immense, menton qui tremble, à me regarder, je comprends pourquoi je suis encore célibataire… Une larme tombe sur ma cuisse et je détourne le regard dehors, où ils construisent un nouveau bâtiment l’autre côté de la rue. Un des travailleurs est dans l’immense trou creusé par la pelle et soudain, il se met à danser, se dandinant en tapant des mains et j’éclate de rire. Le bébé s’agite mais pas pour longtemps. Adoucie, je retourne mon regard à mon reflet et remarque le tattoo sur mon bras : time . . . and patience. J’inspire un bon coup et les larmes recommencent à couler. Je me force à me regarder dans les yeux… je me trouve belle.
* * *
« Venez m’aider! Je n’y arrive pas! » Mes enfants ne savent plus où donner de la tête. Je cours partout, je me fâche, je pleure. Aucune suivie dans mes pensées, aucune concentration.
Vide le lave-vaisselle, verre va dans la salle de bain, le panier à linge déborde, je pars une brassée. Je sors de la pièce, voit mon lit. Ah oui! Mettre les draps santé! Je tire sur la couette. « Maman! J’ai faim. » « J’y vais! » que je réponds à ma fille. Retourne à la cuisine, eh misère, le lave-vaisselle! Vide, rempli, nettoie les comptoirs. « Maman! J’ai faim! » Oups! Ouvre le frigo. Oh! La viande pour le souper. Nouvelle recette, j’ai tous les ingrédients? Ferme le frigo, prends mon cell.
Main sur mon bras. « Maman? Tu viens jouer à la WII avec moi? » Mon gars me tend une manette. « Pas le temps, je cours. » Il repart, tête basse. Je fige. Les images défilent dans ma tête comme un Rolodex géant. Les citations, les mots, les enfants, temps? Cadeau? Présence? Jeu? Jouer? Émotions?
Ah! « Les enfants ne diront pas, ‘J’ai passé une mauvaise journée’, ils diront : ‘veux-tu jouer avec moi?’ » J’attrape mon gars par l’épaule. Il se retourne. Me regarde. J’ai envie de lui dire, « donne-moi deux minutes » mais je sais que le temps va m’échapper, et . . . « D’accord. Je m’en viens. »
Son sourire vaut de l’or. Il frotte sa joue sur ma main; petit moment de douceur qu’il m’offre, puis il me précède au salon. Je m’assois, manette en main, prête à ce moment en pleine conscience.
« Maman! J’ai faim! »
(Au moment d’écrire ce billet, je n’allais pas très bien. C’était un moment, seulement. Je ris et je pleure, tout plus facilement maintenant. Je suis très bien entourée et je sais profiter des beaux moments qui me sont offerts, comme le gars de la construction qui dansait. Chaque moment est différent et je réapprends à les vivre pleinement.)
Merci de m’avoir lue.
Tanya
** Avertissement : J’ai des diagnostiques de trouble de personnalité limite, trouble de déficit d’attention et d’anxiété généralisé. L’anti-dépresseur que je prenais aidait les deux derniers diagnostiques, et je suis en thérapie pour le premier. Versus le long processus de sevrage de mon premier anti-dépresseur, celui-ci s’est fait en deux semaines, donc, mes réactions, mes pensées, sentiments, etc. sont complètement démesurés et propre à mes traits de personnalité. Nous réagissons tous différemment à une prise de médicament et de son sevrage.
Lyne Blouin dit
Je t’M
Tanya Loiselle dit
Moi aussi j’t’m. To the moon and back!!!
Chantal dit
Bravo ma chère! Surtout ne lâche pas et pense aussi à toi! Surtout, ne te gêne pas pour aller chercher de l’aide! Il faut cogner aux portes et le demander.
Tanya Loiselle dit
Merci Chantal!!! J’ai pas de problèmes à demander de l’aide, mais des fois ça me prend un petit bout pour me rendre compte que j’en suis rendue là. Merci pour tout!!!!