On a toutes des journées comme ça…
des journées qui commencent sous le signe des cris, des larmes, des crises, des bacons… qui se déclinent plus tard en refus, provocation, coups. Des journées comme ça, qui s’introduisent en étant des crisses de journées. De celles qu’on ne fait pas de montage photo sur facebook, avec effet lumineux et belle citation. Des journées qui se finissent avec un café format chaudière, une bière, une cigarette. Qui incitent des roadtrips sans retour, avec musique à fond de train, et pédale au plancher. Ci-gît mon quotidien, et je n’ai pas envie de le ressusciter.
Comme mère au foyer à temps partiel pour mes deux derniers, il m’arrive souvent d’invoquer le saint patron de la patience (c’est Sainte Monique, si jamais vous vous rendez là) pour passer à travers ma journée. Pas parce que mes enfants sont terribles, mais parce qu’un enfant, dans la vie, ça s’est donné comme mission de tester la loi de Murphy. De la définir encore et encore. Au coeur de l’hiver, il teste tes drains en tirant la chasse sur son jouet. Quand tu mitonnes avec amour un repas équilibré, elle refuse d’en manger. Quand tu t’extasies sur leur pétante santé, ils accueillent à bras ouverts madame Gastro.
C’est facile de tomber dans leur délire. On a envie de se jeter par terre à leurs côtés et hurler en remuant frénétiquement – faites-le, c’est thérapeutique! On a les mains qui démangent de leur offrir gentiment une raison pour laquelle hurler à tue-tête. On serre les dents tendrement tandis qu’ils éventrent -encore- la poubelle, le recyclage, le compost, les plantes… On fait de l’écholalie mélodieuse sur leurs incessantes demandes. Ahh, ces enfants, excavateurs inconscients de la laideur de nos comportements! Savent-ils seulement à quel point on complote leur croissance fulgurante pour que passent à toute vitesse les phases du terrible two, threenager, fucking four…
Dernièrement, je voulais que le petit dorme…
Oui, absolument, il devait, à ce moment, pour sa survie, parce que je devenais de plus en plus prédateur, dormir. J’étais mi-habillée, avec encore le mascara de la veille qui décorait mes joues, avec une patience étiolée. Ça faisait 56 fois que je lui donnais le sein. Qu’il triturait mes aisselles sans pitié en s’endormant. Qu’il s’endormait dans mes bras, et refusait de dormir seul. « Dors, esti, dors. DODO MON AMOUR. DOOORS! » La pire berceuse de l’humanité. Je voulais aller aux toilettes, seule, sans bambin dans mes bobettes qui hurle l’injustice de la vie. Je voulais aller me faire un café, chaud, et le boire à petites gorgées en le savourant. Je voulais me vêtir! Je voulais me refaire un semblant de beauté. Bref, j’aurais voulu, à ce moment précis, avoir 15 minutes à moi. Que 15 minutes, et qu’elles soient pour moi. Et je n’avais rien d’autre en tête que ces fichues de 15 minutes qui me hantaient parce que complètement hors de ma portée.
Lorsque bourgeonne cette journée qui sent le mot de Cambronne, je me rabats sans pitié sur celles (et ceux) que j’appelle affectueusement mes agents adoucisseurs (comme le revitalisant à linge). Les gens aux oreilles qui écoutent tout, aux épaules qui supportent bien. Ces bonnes personnes qui savent comment me faire rire dans un moment où je deviens presque une horrible personne. Ces gens qui offrent une écoute empathique dans un moment où je me juge moi-même, où je ne vois aucune issue à mon impasse.
Les compagnons-Snuggle, ce sont ces bonnes âmes qui sont capable de te reprendre sur un délire sans queue ni tête que tu t’es forgé dans ta fatigue chronique.
Comme quand ton chum oublie de t’appeler pour te dire qu’il passera par la station-service/l’épicerie/la pharmacie en quittant le même lieu que toi dans son auto. C’est ta vieille chum qui te dit que ce n’est pas si grave si tes enfants, aujourd’hui, écoutent deux heures de télévision consécutive parce que tu as une migraine exemplaire. Qui t’incite à prendre des tylenols. Qui te demande de documenter ta médication avec une preuve photo. Qui te félicite de le faire. Qui te dit que t’es une bonne mère, pareil. Qui va t’envoyer une photo de Channing Tatum, taleure.
Des fois, quand ça va bien, c’est à mon tour d’être l’adoucisseur de quelqu’un. Ou on l’est simultanément. On se fait voir les beaux côtés de la médaille, on joue à l’avocat du diable, on essaie de déconstruire les remparts de l’autre. On fistbump l’autre pour son bon coup. On se promet une bouffe décadente parce qu’on mérite les calories. Ou on se prépare le workout du siècle pour passer les frustrations.
Des fois, il y a de ces camarades-Downy qui ne savent pas qu’ils le sont.
Je pense à une bonne amie à qui j’ai écrit des kilomètres de mots. Que j’ai braillé, reniflé et repensé tout en lui écrivant. L’exercice de lui écrire a été suffisant pour me réconcilier avec ma vie, et j’ai tout effacé. Je lui ai écrit : « Je t’ai volé un instant, ce matin, je t’avais écrit une litanie de trucs que je trouvais difficiles, de mon côté, je me suis répondu à travers mes confessions, et j’ai tout effacé. Le constat que j’en fais est que ton écoute, même si tu n’as rien vu, m’est précieuse et que je te remercie d’être là, j’ai pris un coin de ton existence pour soulager la mienne. »
Ces facteurs de légèreté sont précieux, ils valent plus cher que la plus scintillante des gemmes.
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